Élections européennes: montée en puissance attendue des droites radicales

La Première ministre italienne Giorgia Meloni (au centre) s'entretient avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban (à gauche) le 17 avril 2024. Avec son atlantisme, Giorgia Meloni est pour beaucoup le visage «modéré» de la droite radicale européenne. AFP or licensors

Les élections européennes s’annoncent comme un temps fort pour les partis d’extrême droite: elles pourraient consacrer leur influence grandissante, comme en témoigne déjà l’évocation de possibles alliances, sans pour autant les placer au centre du jeu.

Le 06/05/2024 à 06h57

Quelque 370 millions de personnes sont appelées aux urnes du 6 au 9 juin dans les 27 pays de l’Union pour élire 720 députés au Parlement européen.

À un mois du scrutin, les sondages prédisent à l’unisson des scores en hausse pour les droites radicales et nationalistes. Pas au point cependant a priori de mettre en pièces la «grande coalition» des trois principaux groupes actuels (droite, socialistes, centristes) au sein de laquelle se forgent les compromis et qui permet d’adopter une grande majorité des votes au Parlement.

«Ces forces de droite radicales, populistes, dont certaines sont extrêmes (...) vont progresser, mais cela ne va pas être un raz-de-marée», anticipe Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman.

Ces forces avancent en ordre dispersé au Parlement, où elles sont divisées en deux groupes: les Conservateurs et réformistes européens (ECR) et Identité et démocratie (ID, rassemblant notamment le RN français et l’AfD allemande).

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, candidate à un second mandat et issue du PPE (droite), principal groupe au Parlement, a exclu de coopérer avec les derniers, accusés d’être des alliés du président russe Vladimir Poutine.

Mais, fait notable, elle a laissé la porte ouverte à des alliances avec ECR, la famille politique dirigée par l’Italienne Giorgia Meloni, qui comprend aussi des formations d’extrême droite comme Vox en Espagne ou Reconquête d’Eric Zemmour.

«Cela dépendra de la composition du Parlement et de qui est dans quel groupe», a déclaré fin avril la responsable allemande, suscitant l’indignation chez les sociaux-démocrates et les Verts.

Pas d’autre coalition stable possible

Giorgia Meloni, entrée dans la campagne comme tête de liste de son parti post-fasciste Fratelli d’Italia, ambitionne quant à elle de créer en Europe «une majorité qui unisse les forces de droite, pour renvoyer la gauche dans l’opposition».

Or jusqu’à présent, les principaux alliés du PPE sont les Socialistes et démocrates (S&D) et Renew Europe (centristes et libéraux).

«Aujourd’hui d’après les sondages, il n’y a pas de coalition stable autre que celle qui est actuellement aux affaires», juge Pascale Joannin.

Selon les enquêtes, le PPE devrait rester la première force politique au Parlement, suivi des Sociaux-démocrates, malgré des pertes prévues pour ces deux familles. L’enjeu est de savoir qui arrivera à la troisième position actuellement occupée par Renew Europe (comprenant le parti Renaissance d’Emmanuel Macron), donné en baisse et menacé par la poussée prévue d’ECR et d’ID.

Même si Renew était relégué à la quatrième place, la coalition PPE-S&D-Renew, bien que fragilisée, serait en mesure de rester majoritaire, prévoit l’analyste.

Mais en fonction du score de son parti, Mme Meloni «va vouloir essayer d’obtenir des postes, d’influer sur des questions qui lui sont chères, comme la migration, de peser sur les débats en disant, “j’ai tant de députés donc si vous voulez sur ce sujet avoir mes voix, il faudra faire comme ça”», ajoute-t-elle.

Divisions

Deux experts de l’Institut Jacques Delors, Nathalie Brack et Awenig Marié, estiment aussi dans une note récente que la coalition actuelle «devrait continuer de dominer le processus décisionnel après les élections», mais que «la consolidation de la droite nationaliste et conservatrice (...) pourrait venir accroître la fréquence des coalitions de droite formées par les groupes PPE et ECR».

Pour obtenir une majorité suffisante, il faudrait toutefois qu’ils reçoivent le soutien de Renew ou d’ID, deux options incertaines, relèvent les auteurs.

Ils notent qu’un rapprochement des droites, y compris ID, s’est fait récemment sur des sujets spécifiques, par exemple pour rejeter ou diluer certaines normes du Pacte vert accusées de peser sur les entreprises et ménages.

La coprésidente du groupe des Verts au Parlement, Terry Reintke, souligne qu’une montée des droites radicales rendrait «plus difficile d’organiser des majorités en faveur de la protection du climat, des préoccupations sociales ou d’une position claire face aux gouvernements autoritaires».

L’hypothèse d’une fusion des groupes ECR et ID semble en tout cas peu probable, tant les divisions entre les deux groupes sont importantes, notamment vis-à-vis de l’Ukraine et de la Russie, ainsi que des États-Unis. Reste à savoir quel groupe intègrera le Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orban, resté proche de Moscou malgré l’invasion de l’Ukraine.

Les équilibres politiques issus des élections européennes détermineront l’attribution des «top jobs», les postes à la tête des institutions de l’UE (principalement Commission, Conseil, Parlement).

Par Le360 (avec AFP)
Le 06/05/2024 à 06h57