Le décret, dont c'est la troisième version, fait l'objet d'une intense bataille judiciaire depuis fin janvier avec de multiples rebondissements en première instance et en appel devant diverses juridictions du pays. M. Trump a justifié ses trois décrets par des motifs de sécurité nationale. Ses détracteurs, et les juges ayant successivement bloqué leur application, lui reprochent de cibler sans raison et de façon discriminatoire des dizaines de millions de musulmans.
La troisième version du texte, signée le 24 septembre, interdit de façon permanente le franchissement des frontières américaines aux ressortissants de sept pays (Yémen, Syrie, Libye, Iran, Somalie, Corée du Nord et Tchad) et suspend l'entrée dans le pays de responsables gouvernementaux vénézuéliens. Mais la mesure avait été suspendue le 17 octobre, la veille de son entrée en vigueur, par un juge d'Hawaï. Celui-ci estimait que le texte peinait à démontrer en quoi l'entrée de plus de 150 millions de ressortissants étrangers des pays visés "nuirait aux intérêts des États-Unis". Un juge du Maryland a également bloqué la mesure.
Le gouvernement, qui avait fait appel de ces décisions, avait obtenu une première victoire en novembre: une cour d'appel de San Francisco a autorisé son application partielle, en exemptant les "étrangers qui peuvent démontrer une relation authentique avec une personne ou une entité aux États-Unis". Les grands-parents, petits-enfants, beaux-frères, belles-sœurs, oncles et tantes, neveux, nièces et cousins étaient notamment concernés.
Dans son jugement de lundi, la Cour suprême a autorisé la mise en application totale du décret, en attendant que la justice d'appel saisie se prononce. Deux audiences sont prévues cette semaine: mercredi pour la décision d'Hawaï et vendredi pour celle du Maryland.
La Maison-Blanche s'est félicitée de la décision de la plus haute instance judiciaire américaine. "Le décret est légal et essentiel pour la protection du pays", a assuré un porte-parole de l'Exécutif, tandis que le ministre de la Justice Jeff Sessions saluait une "victoire importante pour la sécurité du peuple américain".
Un porte-parole du ministère de la Sécurité intérieure a affirmé que "les restrictions de bon sens de l'administration aux voyages depuis des pays qui ne remplissent pas les critères de base en matière de sécurité et qui ne partagent pas des informations cruciales avec nous concernant des terroristes et des criminels sont destinées à défendre notre territoire et à protéger les Américains".
En revanche, les organisations de défense des droits civiques et des réfugiés ont critiqué le jugement de la haute cour. "C'est malheureux que le décret puisse être désormais appliqué totalement", a regretté Omar Jadwat, un responsable de l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), dénonçant les "préjugés anti-musulmans du président Trump (qui) ne sont pas un secret". L'ACLU, qui avait saisi le juge du Maryland avec d'autres organisations de défense des réfugiés, continuera "à se battre pour la liberté, l'égalité et pour tous ceux qui sont injustement séparés de leurs proches", a-t-il assuré.
Le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) a relevé que cette décision de la Cour suprême "ignore les très réelles conséquences humaines pour les citoyens américains et leurs familles à l'étranger imposées par le décret anti-musulman 3.0 du président Trump", a indiqué Lena Masri, directrice juridique de l'organisation. Ce jugement "va empêcher de nombreuses personnes éligibles (à l'entrée aux États-Unis) de rejoindre leur famille, de reprendre leurs études ou de travailler", a affirmé Mariko Hirose, responsable de l'International Refugee Assistance Project (IRAP). La décision aura "des conséquences dévastatrices pour ces personnes et toute la communauté musulmane", a-t-elle estimé.