De 200 à près de 4.000 euros l’année: La Sorbonne met sous pression les étudiants marocains

L'université La Sorbonne-Paris IV.

L'université Paris I Panthéon-Sorbonne.

L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a voté une hausse sans précédent des frais d’inscription pour les étudiants étrangers hors UE. Une décision qui touche de plein fouet les étudiants marocains, désormais confrontés à des montants multipliés par 16.

Le 04/12/2025 à 15h13

L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a voté, lors de son conseil d’administration du 1er décembre, une hausse inédite des frais d’inscription pour les étudiants étrangers extra-communautaires. Pour une année de licence, les frais sont littéralement multipliés par seize et passeront de 178 à 2.895 euros, et pour un Master, de 254 à 3.941 euros. Cette décision met directement sous pression les étudiants venant de pays non européens qui ne figurent pas sur la liste des 44 pays les moins avancés définis par l’ONU. Parmi eux, les étudiants marocains, désormais pleinement concernés par cette augmentation.

L’université précise que cette mesure a été adoptée «à regret et sous la contrainte budgétaire», accusant «la multiplication des mesures décidées par l’État» et «non compensées dans sa subvention pour charges de service public». Elle affirme «espérer pouvoir revenir sur cette décision dès qu’elle aura retrouvé une situation budgétaire plus stable».

Une décision qui fait basculer le coût des études

Avec la fin de l’exonération, les étudiants marocains devront désormais assumer des coûts multipliés par seize. Jusqu’ici, comme d’autres universités, Paris 1 refusait d’appliquer les droits différenciés prévus depuis la stratégie «Bienvenue en France» de 2019. Mais la tension financière de l’établissement a conduit à un revirement, voté par 18 voix pour, 15 contre et 3 abstentions.

Les étudiants européens, les étudiants en exil et ceux issus des pays les moins avancés demeurent exemptés à l’instar des étudiants originaires de République démocratique du Congo, du Burkina Faso, d’Afghanistan ou encore d’Haïti. Le Maroc n’appartenant pas à cette liste, au même titre que l’Algérie et la Tunisie, ses étudiants inscrits à Paris 1 basculent automatiquement dans la catégorie concernée.

Cette hausse intervient alors que de nombreux étudiants marocains doivent déjà prouver des ressources importantes pour l’obtention de leur visa, assumer des loyers élevés et financer leurs dépenses quotidiennes. Un contexte que souligne Marie-Emmanuelle Pommerolle, maîtresse de conférences à Paris 1: «Elle touchera des étudiants en provenance du Maghreb, d’Afrique ou d’Amérique Latine “à qui on demande déjà de provisionner leurs comptes en banque, qui ont les frais de visa, le loyer à payer”. Leur demander de payer 4.000 euros nous semble irréaliste».

Pour beaucoup, cette décision s’ajoute à un climat déjà tendu. Une proposition visant à supprimer les APL pour les étudiants étrangers non européens non boursiers est également en débat au Parlement, faisant peser une inquiétude supplémentaire.

Une contestation massive

La riposte n’a pas tardé et près de 200 étudiants et personnels ont exprimé leur opposition dès la semaine précédente. Les critiques se sont amplifiées après le vote. L’association étudiante Le Poing Levé a dénoncé des mesures «antisociales» et «racistes». Luz Duchowney, élue étudiante, dénonce dans un article de RTL «une attaque énorme» et affirme que la mobilisation continuera.

Une centaine d’enseignants-chercheurs et personnels ont également pris position dans une tribune et une lettre ouverte publiée sur Afrique XXI, fustigeant des «rustines discriminatoires» aux conséquences «catastrophiques». Ils alertent notamment sur le risque d’un décrochage massif pour les étudiants les plus précaires.

Adrien, membre du Poing Levé, avertit: «Il faut qu’on s’organise pour les faire reculer», craignant que cette décision n’«ouvre une brèche pour toutes les universités françaises».

La maîtresse de conférences Marie-Emmanuelle Pommerolle s’inquiète également d’une perte d’attractivité. «Il se peut qu’on ne voie plus ces étudiants, car ils se dirigeront vers d’autres pays. Et c’est déjà le cas: lorsque je me rends dans certaines universités africaines, je constate que les destinations privilégiées, ce sont la Turquie, la Chine, la Russie, et très peu la France», déplore-t-elle dans une prise de parole sur RFI.

Pour les étudiants marocains, déjà nombreux sur les campus français, ce tournant budgétaire pourrait se traduire très concrètement: réorientation vers d’autres destinations, renoncement au projet d’études en France, ou endettement accru pour maintenir le cap.

Par La Rédaction
Le 04/12/2025 à 15h13