Intitulée Halal: La petite cuisine de la Grande Mosquée de Paris, l’enquête parue dans le journal français L’Opinion a fait l’effet d’une bombe. Cet article, qui révèle au grand jour les dessous peu reluisants du système monopolistique de certifications halal pratiqué par la Grande Mosquée de Paris, avec l’appui des autorités algériennes, risque d’aggraver la crise que traversent les relations franco-algériennes.
En effet, apprend-on dans cette enquête, depuis 2023, les industriels français et européens qui souhaitent exporter des produits en Algérie sont contraints de s’adresser à la société «Grande Mosquée de Paris – Certification Halal» pour obtenir le précieux label, un sésame payant qui ouvre les portes du marché algérien et s’apparente en fait à des frais de douane. Sans ce label apposé par la GMP, il est devenu impossible aux industriels européens de passer les douanes algériennes.
Une nouveauté qui ne concerne pas uniquement les viandes et les produits contenant supposément de l’alcool mais une batterie de biens de consommation courante, des produits laitiers, aux huiles, en passant par les confiseries, gâteaux et biscuits, préparations pour nourrissons ou encore arômes… Une liste non exhaustive, bien loin des recommandations religieuses en la matière, édictée depuis Alger par le ministère de l’Industrie et de la Production pharmaceutique.
Lire aussi : Certification halal à la Grande Mosquée de Paris: l’arnaque qui rapporte des millions d’euros au régime d’Alger
Le petit business – pas très halal pour la peine– de la Grande Mosquée de Paris rapporte déjà gros, avec un chiffre d’affaires estimé à 5 millions d’euros, soit 2,9 millions d’euros de résultat d’exploitation pour 2024. Une estimation très sous-cotée, révèle l’enquête de L’Opinion qui a entrepris de croiser les barèmes des tarifs appliqués par la GMP et les volumes d’exportation vers l’Algérie depuis la France et l’UE. Ainsi, «en se basant sur les volumes d’exportation de fromages et de poudres de lait français vers l’Algérie, 55.000 tonnes en 2023, la facture s’élèverait à 2,2 millions d’euros en année pleine pour la seule filière laitière française», avance-t-on pour exemple, en rappelant au passage que l’Algérie importait en 2022, 14% de son alimentation depuis la France…
À quoi les fonds récoltés par cette juteuse arnaque sont-ils destinés? Prétendument à la gestion du culte musulman, répond Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, et président associé unique de cette (toute) petite entreprise, qui compte à peine trois employés mais bat tous les records en parvenant à certifier halal pareille quantité de produits destinés à l’export!
Les députés français et européens saisissent la justice
Une arnaque géante au nez et à la barbe de la France et de l’Europe qui n’a pas manqué de faire réagir. Le jour de la publication de l’enquête de L’Opinion, Matthias Renault, député de la Somme, dénonce dans un courrier destiné à Laure Beccuau, procureure de la République de Paris «l’existence de faits pouvant constituer une infraction, et ce comme le prévoit l’article 40 du Code de procédure pénale». Matthias Renault souligne ainsi le fait que la certification halal appliquée à une large liste de produits exportés de France vers l’Algérie, «très au-delà des recommandations religieuses en la matière», étant payante, «le système ainsi mis en place, obligatoire pour l’export, s’apparente à un droit de douane entravant la concurrence».
Le député de la Somme interpelle donc la procureure de la République de Paris sur le fait que «ce système pourrait relever de l’extorsion au sens de l’article 312-1 du Code pénal».
Du côté des eurodéputés, l’heure est aussi à la mobilisation. Ainsi, Français-Xavier Bellamy, membre du groupe Patriotes pour l’Europe (PPE) au Parlement européen, a-t-il dénoncé à son tour sur son compte X «ce système qui impose des millions d’euros par an aux agriculteurs et aux industriels dans nos pays, et pose, dans le contexte actuel, un vrai problème de sécurité». L’eurodéputé a annoncé saisir «la Commission européenne, chargée du fonctionnement du marché intérieur, pour qu’elle y mette fin sans délai». Celui-ci a également partagé sur le réseau social la question avec demande de réponse écrite adressée à ladite commission.
Revenant sur les faits divulgués par L’Opinion, l’eurodéputé déclare que «ce monopole d’une entreprise privée est d’évidence totalement injustifiable au regard du droit européen. La tarification imposée permet d’estimer un coût de plusieurs millions d’euros annuels pour les agriculteurs et l’industrie européenne. Sans aucune valeur ajoutée ni même acte réel de certification, ce prélèvement devient une rente disponible sans contrôle», dénonce-t-il, rappelant qu’à l’heure où le gouvernement algérien, lié à la Grande Mosquée de Paris, «multiplie les menaces et les actes d’hostilité envers la France, l’existence de ce financement est également un enjeu de sécurité préoccupant».
Et de poser la question suivante: «La commission européenne, garante de la transparence des échanges commerciaux avec l’UE, a-t-elle enquêté sur cette distorsion manifeste, et sur ses conséquences? Connaît-elle l’usage qui est fait de ces fonds?».
Enfin, François-Xavier Bellamy demande dans cette question écrite à connaître les conclusions tirées par la commission à l’issue de sa réunion à la Grande Mosquée de Paris sur ce sujet le 11 décembre. «La commission compte-t-elle mettre fin à ce dispositif?», interroge-t-il enfin.