Ce qu’il faut retenir du jugement de Nicolas Sarkozy

L’ancien président français Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi. DR

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné jeudi l’ancien président Nicolas Sarkozy à cinq ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs, et ordonné sa prochaine incarcération dans l’affaire libyenne. Voici les principaux éléments retenus dans le jugement.

Le 26/09/2025 à 06h29

«Nicolas Sarkozy, à l’automne 2005 et pendant le premier semestre de 2006, ne pouvait pas avoir la certitude absolue qu’il n’y aurait pas de double candidature au sein de l’UMP, ni qu’il bénéficierait du soutien financier du parti en 2007.» Ce manque de certitude aurait pu expliquer les démarches entreprises pour obtenir un financement occulte en vue de l’élection présidentielle.

Les rencontres occultes de Guéant et Hortefeux avec Senoussi

Des entretiens en Libye, menés en 2005 par Claude Guéant et Brice Hortefeux avec Abdallah Senoussi – condamné à perpétuité en France pour l’attentat contre le DC10 d’UTA – sont au cœur du raisonnement ayant conduit à la condamnation de Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs.

«Alors que Nicolas Sarkozy envisageait sérieusement sa candidature (...), son plus proche collaborateur et son ami ont rencontré, à trois mois d’intervalle et dans des conditions de grande discrétion (...), le numéro deux du régime, Abdallah Senoussi, dont la situation pénale constituait une préoccupation majeure pour les Libyens, ce qu’ils n’ignoraient pas», estime le tribunal.

Alors ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a laissé Claude Guéant et Brice Hortefeux, «en son nom», «agir afin d’obtenir ou de tenter d’obtenir des soutiens financiers pour sa campagne électorale», et «envisager des contreparties diplomatiques (...), économiques (...), et juridiques», notamment «la promesse de levée du mandat d’arrêt d’Abdallah Senoussi».

Le tribunal juge que Nicolas Sarkozy «ne pouvait qu’être au courant» de la rencontre de Claude Guéant avec Senoussi et qu’«il est impossible que Brice Hortefeux n’ait pas rendu compte au candidat» de la sienne.

Ces rencontres «n’ont de sens qu’au regard (...) des préoccupations exprimées aux autorités libyennes et de la nécessité d’obtenir des fonds». Concernant l’engagement d’examiner une absolution d’Abdallah Senoussi en échange d’un financement, le tribunal souligne que «le fait qu’il n’y ait eu aucun acte positif (...) n’infirme pas que des promesses en ce sens, même irréalisables d’un point de vue judiciaire, aient été faites».

Les mouvements financiers

«La procédure ne permet pas de démontrer que l’argent parti de Libye, quel qu’en ait été le canal, est arrivé in fine dans la campagne.»

Mais «il résulte des carnets de (l’ancien ministre du pétrole libyen) Choukri Ghanem que des dignitaires libyens, dont Abdallah Senoussi, ont envoyé de l’argent dans le but de financer la campagne électorale de Nicolas Sarkozy».

Des flux financiers ont été mis au jour par l’enquête. Certes, «les éléments de la procédure ne permettent pas d’établir par quel circuit ces sommes auraient pu financer la campagne électorale de manière occulte, ni même si elles y sont parvenues». «Il n’en demeure pas moins que» des mouvements financiers «ont eu lieu (...) dans une temporalité compatible avec la campagne, et qu’en fin de campagne, il restait 35.000 euros dont la provenance n’a reçu aucune explication convaincante.»

L’association de malfaiteurs

«Les engagements pris en réponse à une offre de financement suffisent à caractériser l’existence d’un pacte corruptif (...) et ce, indépendamment du fait qu’aucune somme ne soit finalement parvenue, ou seulement en partie, ou que, le financement de la campagne par l’UMP devenant certain, il n’y en ait plus eu besoin.»

Passible de dix ans d’emprisonnement, le délit d’association de malfaiteurs «implique la caractérisation d’un ou plusieurs faits matériels consistant en des actes préparatoires» à un délit, «même si ce délit n’a pas été consommé, ni même tenté».

La gravité des faits

Pour justifier la peine, le tribunal a souligné qu’il s’agissait «de faits d’une gravité exceptionnelle, de nature à altérer la confiance des citoyens dans ceux qui les représentent et sont censés agir dans l’intérêt général, mais aussi dans les institutions mêmes de la République».

S’il est exact qu’il n’y a pas eu d’accroissement direct et immédiat du patrimoine de Nicolas Sarkozy, «l’association de malfaiteurs avait pour but de lui procurer un avantage dans la campagne électorale et de lui permettre d’accéder à la plus haute fonction, puis de l’exercer pendant cinq années».

Les relaxes

Concernant le délit de corruption passive, Nicolas Sarkozy a «agi, non en tant que ministre de l’Intérieur (...) mais en tant que candidat». Or, «si le seul pacte de corruption suffit à caractériser le délit de corruption, il n’en va pas ainsi lorsque ce pacte est conclu avec une personne qui n’est pas encore dépositaire de l’autorité publique».

Quant au recel de détournement de fonds publics étrangers, autre chef de poursuite, la jurisprudence «ne permet pas de sanctionner la complicité ou le recel de ces infractions».

Enfin, sur le financement illicite, «le tribunal n’est pas en mesure de démontrer de manière indubitable que» l’argent liquide utilisé pendant la campagne «provenait de fonds libyens, ni qu’il y aurait eu un volume d’espèces supérieur aux 35.000 euros constatés».

Par Le360 (avec AFP)
Le 26/09/2025 à 06h29