La venue du secrétaire d’État dans la capitale saoudienne Ryad intervient près de sept mois après le début de la guerre à Gaza le 7 octobre, qui a mis un coup de frein à ce qui aurait pu être un succès majeur pour le président Joe Biden en matière de politique étrangère.
Elle intervient aussi avant la présidentielle américaine de novembre à laquelle se représente Joe Biden, un calendrier électoral qui pourrait torpiller les progrès réalisés jusque-là dans le processus de normalisation saoudo-israélien.
En septembre, avant l’attaque sans précédent du Hamas en Israël, qui a déclenché la guerre à Gaza, le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, avait dit se «rapprocher tous les jours» d’un accord censé renforcer aussi le partenariat de sécurité entre Washington et Ryad.
Mais le prince de 38 ans, dirigeant de facto du royaume, avait également souligné l’importance de la question palestinienne. «Nous devons faciliter la vie des Palestiniens», avait-il déclaré.
Alors que les combats s’éternisent à Gaza et que les médiateurs peinent à obtenir une trêve, des responsables saoudiens insistent plus que jamais sur la nécessité de créer un État palestinien.
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En janvier, l’ambassadrice du royaume à Washington, la princesse Reema bint Bandar al-Saud, a déclaré lors du Forum économique mondial que la normalisation serait impossible sans une voie «irrévocable» vers la création de cet État.
«Prix de la normalisation»
S’il n’est pas surprenant que l’Arabie saoudite lie ses relations avec Israël à une résolution du conflit israélo-palestinien, «le prix de la normalisation, en particulier sur le front palestinien, a certainement augmenté», estime l’analyste saoudien Aziz Alghashian.
«Ce que l’on peut dire, c’est qu’il faut quelque chose de plus tangible que théorique. Plus que de simples promesses», ajoute-t-il.
L’Arabie saoudite, qui abrite deux des sites les plus saints de l’islam, n’a jamais reconnu Israël et ne s’est pas jointe aux accords d’Abraham négociés par les États-Unis en 2020, qui ont vu ses voisins du Golfe (Bahreïn et les Émirats arabes unis) ainsi que le Maroc, établir des liens formels avec Israël.
Durant sa première campagne, le président Joe Biden avait promis de traiter l’Arabie saoudite en «paria» en raison de son bilan en matière des droits de l’homme. Mais depuis sa visite à Jeddah en 2022 et sa rencontre avec le prince héritier, l’administration américaine s’emploie à trouver un compromis qui s’appuierait sur les accords d’Abraham, succès diplomatique de son prédécesseur, Donald Trump.
Les Saoudiens leur ont toutefois fait savoir qu’ils seraient plus exigeants que leurs voisins, réclamant notamment des garanties de sécurité de Washington et son aide sur un programme nucléaire civil doté d’une capacité d’enrichissement d’uranium.
Dans les mois suivant cette visite, responsables israéliens et américains ont multiplié les déclarations optimistes, tandis que les Saoudiens se sont fait plus discrets.
Pour Elham Fakhro, du groupe de réflexion Chatham House, «l’Arabie saoudite est consciente de la volonté de l’administration Biden de parvenir à un accord». Et Ryad «est conscient aussi qu’aucun autre pays arabe n’a autant de poids que lui pour faire du lobbying en faveur des Palestiniens», souligne-t-elle.
Mais l’attaque du Hamas le 7 octobre en Israël, qui a entraîné la mort de 1.170 personnes selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles israéliennes, a fait dérailler le processus.
Les représailles israéliennes, qui ont fait plus de 34.000 morts à Gaza, sont régulièrement dénoncées par Ryad, qui a encore accusé cette semaine les forces israéliennes de commettre des «crimes de guerre odieux et incontrôlés».
Conditions difficiles
Même avant la guerre à Gaza, un accord saoudo-israélo-américain n’avait rien d’évident.
«Les États-Unis devront concéder quelque chose et aucune des conditions (ou demandes) de l’Arabie saoudite n’est facile», affirme Elham Fakhro, en soulignant notamment qu’«un pacte de défense devra passer par le Congrès» américain.
«Son approbation est loin d’être acquise», ajoute la chercheuse, surtout dans un contexte électoral aux États-Unis rendant les accords bipartites encore plus difficiles.
Sur le volet palestinien, une percée imminente paraît également peu probable, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, affichant clairement son opposition à la création d’un État palestinien.
Or, rappelle l’analyste saoudien Hesham Alghannam, «dès le début l’Arabie saoudite a été claire: aborder le conflit israélo-palestinien d’une manière qui satisfasse les Palestiniens est une condition préalable à une normalisation avec Israël».