La CDU-CSU, avec seulement 32,5 à 33,5% des voix, pourrait bien avoir battu le plus bas historique de Mme Merkel (33,8% en 2009). Elle devance néanmoins nettement Martin Schulz et les sociaux-démocrates du SPD (20-21%) qui enregistrent leur plus mauvais score depuis 1945, selon les sondages à la sortie des bureaux de vote des chaînes publiques ARD et ZDF.
Il reviendra donc à Mme Merkel pour la quatrième fois de chercher un ou plusieurs partenaires pour former le prochain gouvernement. Le SPD a immédiatement indiqué qu'il sera dans l'opposition après quatre ans au gouvernement d'Angela Merkel.
Cela compliquera l'exercice pour la chancelière qui doit donc convaincre a priori et les libéraux du FDP, et les Verts, de gouverner avec elle.
Mais ce succès est assombri pour elle par le résultat de l'Alternative pour l'Allemagne, parti anti-immigration, qui ressort troisième avec environ 13%, selon les sondages, et provoque un choc pour le pays.
L'AfD fait donc une entrée en force à la chambre des députés, une première depuis 1945 pour un parti qui tient des discours anti-immigrants, anti-islam, anti-euro et révisionnistes.
Alors qu'il avait échoué aux portes du Bundestag en 2013, il devance désormais la gauche radicale Die Linke (9%), les libéraux du FDP aux alentours de 10% et les Verts (9%).
Répondant à la chancelière qui faisait campagne pour la continuité dans la prospérité, un message destiné à rassurer face aux crises du monde, l'AfD a tiré à boulets rouges sur Angela Merkel durant la campagne, prenant pour modèle le président américain Donald Trump et les partisans de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Thème de prédilection de cette droite dure: accuser la cheffe du gouvernement de "trahison" pour avoir ouvert le pays en 2015 à des centaines de milliers de demandeurs d'asile majoritairement musulmans.
La chancelière va devoir s'expliquer de cette percée devant les siens, ses alliés bavarois de la CSU et la frange la plus conservatrice de la CDU l'ayant appelée à maintes reprises à écouter ses électeurs les plus à droite, excédés par son cap jugé trop centriste.
L'AfD a grignoté des points en fin de campagne malgré une radicalisation de son discours et un appel à être fiers des actes des soldats allemands durant la Deuxième Guerre mondiale. Du jamais-vu dans un pays dont l'identité d'après-guerre repose sur la lutte contre les extrêmes, la quête du compromis et la repentance pour les crimes du IIIe Reich.
Illustration du séisme, le ministre des Affaires étrangères Sigmar Gabriel a estimé juste avant le scrutin que l'entrée de l'AfD au Bundestag marquerait le retour des nazis "pour la première fois depuis plus de 70 ans".
Par ailleurs, cette percée nationaliste et les 9% enregistrés par Die Linke signifient que près d'un quart des électeurs ont choisi les extrêmes. Ce phénomène, bien connu en Europe, avait jusqu'ici épargné l'Allemagne.
Le grand perdant de la soirée est sans conteste l'ex-président du Parlement européen Martin Schulz qui a conduit son camp social-démocrate à une quatrième défaite d'affilée face à l'insubmersible chancelière.
Incapable d'incarner le changement, le SPD qui gouverne avec Mme Merkel depuis 2013, n'a pas su rassembler avec une campagne axée sur la justice sociale dans un pays en pleine croissance, avec un chômage au plus bas.
Avec un score historiquement bas pour le SPD dans l'histoire d'après-guerre, l'avenir de M. Schulz à la tête du SPD est en question, lui qui avait été accueilli comme l'homme providentiel en début d'année.
La CDU-CSU est aussi loin de son objectif de 40%. Ce résultat associé à la percée de l'AfD promettent de compliquer les calculs d'Angela Merkel pour former une majorité.
L'option la plus simple aurait été de reconduire la grande coalition avec les sociaux-démocrates. Mais le SPD, en pleine crise existentielle, préfère une cure d'opposition.
Une seule possibilité reste alors: une alliance de la CDU-CSU avec le FDP et les Verts. Mais les divergences entre écologistes et libéraux sur l'avenir du diesel ou l'immigration s'annoncent très compliquées à gérer.
Les tractations pourraient durer jusqu'à la fin de l'année. Et ce n'est qu'après l'officialisation d'une nouvelle majorité que Mme Merkel sera formellement désignée chancelière une quatrième fois.
Les couleurs de la prochaine coalition auront une importance capitale pour une série de sujets brûlants comme les réformes de la zone euro, l'avenir de la relation transatlantique ou encore la question des sanctions imposées à la Russie.