En cette année d’élection présidentielle, les nuages s’accumulent dans le ciel politique algérien, où les coups bas pleuvent de toutes parts. À l’instar de ce nouveau procès, dont le tribunal militaire de Blida a été le théâtre mardi 13 février, suite à la comparution de l’ex-chef des renseignements militaires, le général Sid Ali Ould Zmirli, aux côtés de son frère, l’ex-colonel Omar Ould Zmirli, et le lieutenant-colonel Tarik Amirat, ex-officier de la Direction générale de la sécurité de l’armée (DGSA). Le trio est poursuivi pour complot contre des personnalités civiles et militaires proches du président algérien Abdelmadjid Tebboune.
L’affaire a éclaté en mai 2022, entraînant en septembre 2022 le limogeage du général Sid Ali Ould Zmirli de la DGSA, qu’il dirigeait depuis deux années et demie, et son placement sous contrôle judiciaire, faute de pouvoir l’incarcérer compte tenu de son état de santé dégradé. Profitant de la maladie chronique de ce dernier, son frère Omar Ould Zmirli, un colonel à la retraite, tenait les rênes de la DGSA et formait avec Tarik Amirat un duo pour enquêter en Espagne sur l’origine des biens immobiliers du fils de Boualem Boualem, l’actuel directeur de cabinet de Tebboune et homme fort de la présidence algérienne.
Pour le compte de qui travaillait ce tandem de la DGSA, qui alimentait la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE) en rapports mettant en cause les hommes du président Tebboune? Des rapports «bidonnés» pour l’essentiel, car le principal témoin, Bennacer Boualem, un colonel de la DDSE et ancien consul à Alicante (2019-2021), a nié les faux témoignages qui lui ont été attribués dans cette affaire. Cet ex-consul et agent des renseignements extérieurs en Espagne, que Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’armée, avait mis aux arrêts en octobre 2021 pour fuites présumées de documents militaires secrets, était présent le mardi 13 février au tribunal militaire de Blida, en tant que témoin.
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La divulgation en 2022 de la manœuvre qui visait le clan présidentiel a marqué un tournant dans la redistribution, ou plus exactement l’accaparement par un seul clan, du pouvoir en Algérie. Car cette affaire n’a profité qu’aux généraux à la retraite Mohamed Mediène, dit Toufik, et Khaled Nezzar, récemment décédé. En effet, c’est sous la houlette de ces derniers qu’entre mai et septembre 2022, les trois principales directions des renseignements algériens ont changé de patron à plusieurs reprises.
Ce chamboulement sans précédent a permis au duo Toufik-Nezzar d’écarter définitivement les généraux qu’ils avaient utilisés, plus de deux années durant, pour mettre à exécution leur vendetta contre les hommes de feu le général Gaïd Salah, l’ex-chef d’état-major de l’armée qui les avait envoyés en prison ou en exil.
En lieu et place des généraux Noureddine Makri (DDSE), Abdelghani Rachedi (DGSI) et Sid Ali Ould Zmirli (DGSA), ce sont surtout les généraux Abdelkader Aït Ouarabi, alias Hassan, Djebbar M’Henna et Nacer El Djinn qui sont réhabilités et propulsés aux premières loges. Ils siègent d’abord au Haut Conseil de sécurité algérien, au nez et à la barbe du duo Tebboune-Chengriha, avant que Djebbar M’Henna et Nacer El Djinn ne prennent ensuite en main, le premier la DDSE et le second la DGSI, dont le patron, le général-major Djamel Kahal Medjdoub, est actuellement hospitalisé et impotent. Auparavant, Djebbar M’Henna et Nacer El Djinn (Abdelkader Haddad de son vrai nom) se sont succédé à la tête d’une autre direction, celle dédiée à la lutte contre la subversion… Un département qui surveillait le Hirak comme du lait sur le feu, employant une répression féroce pour empêcher son retour. Nacer El Djinn est également l’actuel chef du Centre principal opérationnel militaire (CPOM), une cellule dédiée aux interrogatoires musclés et à la torture.
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Sid Ali Ould Zmirli, ex-patron de la DGSA, qui a comparu mardi dernier au tribunal militaire de Blida, a été bien évidemment un pensionnaire du CPOM, où il a été interrogé pendant plusieurs mois par Nacer El Djinn. Que s’est-il donc passé pour que son procès soit reporté, alors que l’enquête afférente a été entièrement bouclée? Selon certaines sources algériennes, le procès dU 13 février a été reporté à cause de l’absence de certains témoins, alors que pour d’autres observateurs, il aurait mal tourné quand le colonel Bennacer Boualem, dont le nom n’a rien à voir avec le directeur de cabinet de Tebboune, a été interrompu dans son témoignage où il a indexé Saïd Chengriha comme étant le corbeau derrière le complot ciblant le président Tebboune, sa famille et ses proches collaborateurs.
De telles accusations, déjà consignées dans le procès-verbal établi par les enquêteurs, risquent d’annuler le procès de Sid Ali Ould Zmirli et ses complices. Mais le clan de Toufik se frotte les mains, car il a désormais les moyens de briser l’alliance, réelle ou de façade, entre Chengriha et Tebboune, ce dernier étant considéré comme un autre héritage de l’ère Gaïd Salah, auquel Toufik compte barrer la route vers un second mandat à la Mouradia. D’ailleurs, certains articles au vitriol commandités par les services de renseignement listent les échecs diplomatiques sans fin de Tebboune. L’exercice est facilité par l’incompétence de Tebboune qui a fâché son pays avec plusieurs États voisins, engagé des crises stupides avec des pays comme l’Espagne et brandi une entrée historique aux BRICS avant que les pays composant ce groupement ne lui infligent un humiliant camouflet.
Il est donc clair aujourd’hui que les protagonistes de la décennie noire ne veulent pas d’un deuxième mandat présidentiel de Tebboune. L’affaire des fils de Gaïd Salah, auxquels Tebboune avait donné l’assurance qu’il veillera sur eux comme un père sa vie durant, a démontré la capacité de nuisance et la puissance intacte du clan Toufik.
Quand les enfants de Gaïd Salah ont été arrêtés par le diabolique général Nacer El Djinn, leur mère a vainement tapé à la porte de Tebboune et de Chengriha pour les libérer. Or, aucun de ces deux hommes, soi-disant forts, ne semble pouvoir intercéder dans cette affaire, car elle a partie liée avec la vendetta du clan de Toufik. Autant dire que les prochains mois seront ceux de tous les dangers pour Tebboune et sa progéniture.