Algérie. Un nouvel Exécutif qui ne convainc (déjà) personne

Les Algériens dans les rues de la capitale après l'annonce du nouveau gouvernement, dimanche 31 mars 2019 dans la nuit.

Les Algériens dans les rues de la capitale après l'annonce du nouveau gouvernement, dimanche 31 mars 2019 dans la nuit. . DR

Sur la Toile comme dans la rue, l’annonce, hier dimanche 31 mars, de la constitution d’un nouveau gouvernement ne passe pas. D’aucuns y voient une tentative, une de plus, de maintenir le pouvoir en place, aujourd’hui et plus que jamais divisé.

Le 01/04/2019 à 11h29

La diversion n’a pas pris. Et les Algériens ne s’y sont (de nouveau) pas trompés. Sitôt le nouveau gouvernement algérien annoncé, dimanche 31 mars au soir, les réactions ont fusé.

Sur la Toile, le mot d’ordre était l’indignation. Et rares ont été les réactions à accueillir favorablement l’annonce. C’est tout le contraire qui s’est produit: à peine constitué, le nouvel Exécutif a été appelé à dégager. «Le combat continue jusqu'à la satisfaction totale des revendications du peuple. Dignité, honneur... Oulach smah oulach», [Et sinon, pas de pardon, Ndlr] écrit ainsi un internaute sur Twitter.

Sur Facebook, les Algériens y sont allés de plus belle, et là encore avec beaucoup d’humour. «Fin du mandat de Moussa El Haj, début de celui d’El Haj Moussa», peut-on ainsi lire, signifiant que rien n’a changé avec le nouveau gouvernement. Ce qui est pointé du doigt, c’est surtout l’écart entre les revendications claires des Algériens, soit un changement radical de régime, et les propositions d’un pouvoir tentant de faire illusion en essayant de faire du neuf avec du vieux.

«Outre ce paradoxe, la composition de la nouvelle équipe gouvernementale signe le refus des dirigeants du pays de répondre favorablement aux revendications de millions d’Algériens qui sont sortis dans la rue, pour exiger le changement du système politique et le départ de toutes ses figures», résume ainsi le quotidien à fort tirage El Watan.

Dans la rue, des centaines d’Algériens, qui n’ont pas voulu attendre le vendredi, désormais jour traditionnel de manifestations à travers tout le pays, sont descendus dans la nuit, sitôt l’annonce faite, scandant des slogans hostiles au gouvernement. "Les marches (de protestation) ne vont pas s'arrêter", avertissaient-ils. 

Ces manifestants ont été salués par de très nombreux coups de klaxons des automobilistes.

Nous sommes six semaines après les premières manifestations et plus de trois semaines après l’annonce d’un nouveau gouvernement par le Premier ministre Noureddine Bedoui, qui a eu un mal fou à former son équipe, au vu des nombreux refus qu'il a essuyés, ni l'opposition ni la société civile ne souhaitant intégrer un gouvernement, alors que la contestation populaire bat son plein. Et rien ne semble indiquer qu’un retour à la normale est possible.

Au contraire, au somment de l’Etat, une véritable lutte de clans se joue actuellement, les Bouteflika and Co s’accrochant mordicus au pouvoir et ralliant à leur cause les services de renseignements et même des éléments de l’armée, pourtant dirigée par Ahmed Gaïd Salah, en sa qualité de chef d’Etat-major. Les Bouteflika persistent donc, et signent des deux mains, refusant énergiquement leur nécessaire départ, alors que Gaïd Salah, a de nouveau appelé, pas plus tard que samedi dernier, et pour la deuxième fois, à l’activation de l’article 102 de la Constitution, soit la destitution du président. Gaïd Salah a beau être maintenu en tant que vice-ministre de la Défense pour faire croire à une cohésion de fait factice, la rupture est désormais consommée.

Et dans tout cela, c’est le peuple algérien qui n’est à aucun moment écouté. Verdict vendredi prochain.

Par Youssef Bellarbi
Le 01/04/2019 à 11h29