Décidément, la junte algérienne n’a rien appris de son modèle nord-coréen ou de ses alliés russes, qui ont au moins le mérite d’être irréprochables en matière de formation de leurs armées respectives à la rigueur des parades militaires, donnant à voir coordination, synchronisation et discipline parfaites.
En tout cas, quand l’armée algérienne se met à parader, elle n’y va pas en ordre de bataille, mais met à nu ses faiblesses et manque de cohésion à travers des exhibitions martiales sauvages appartenant à un autre âge. Ces exhibitions archaïques font davantage rire qu’effrayer l’ennemi.
C’est ce que vient de démontrer, dans la prétendue «Algérie nouvelle», le pouvoir politico-militaire incarné depuis 2020 par le duo Abdelmadjid Tebboune-Said Chengriha, qui dirige le pays via l’armée. Durant ces deux dernières années, ce duo a organisé des défilés et exhibitions militaires pour le moins ubuesques à l’occasion des célébrations de la fête de l’indépendance ou des sorties de nouvelles promotions militaires.
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A l’ère de l’intelligence artificielle générée par le développement fulgurant des technologies de l’information, et où les guerres se font désormais avec «zéro soldat» sur le terrain, l’armée algérienne se livre encore à des démonstrations surannées de combats au corps-à-corps, où les muscles gonflés aux stéroïdes et les torses nus, enduits d’huile, sont présentés comme les signes de puissance.
Dimanche dernier, le clou de ce cirque unique en son genre a été le numéro présenté par une soldate qui a réussi le pari, peu spectaculaire d’ailleurs, de porter trois hommes sur ses épaules. Une scène banale, pas loin de relever du machisme, qui a été exagérée par les cris hystériques du commentateur de la télévision publique qui a présenté cette «gladiatrice» comme une héroïne et la «lionne» de l’armée algérienne.
Elle a été aussi applaudie par Abdelmadjid Tebboune, perdu au milieu d’une marée vert kaki de généraux séniles assis sous un chapiteau dressé dans l’enceinte de l’académie militaire de Cherchell ce 9 juillet 2023. Baptisée du nom du premier président putschiste du pays, Houari Boumediene, cette école a servi de planche à ce cirque alors qu’elle est considérée comme le fleuron de la formation militaire en Algérie.
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Le général Said Chengriha a d’ailleurs qualifié cette école d’«épine dorsale du système de formation de l’ANP». Une formation apparemment très archaïque, comme l’a démontré tout un escadron de commandos qui a paradé, à moitié nu, dans la cacophonie la plus totale, avant de se livrer en petits groupes à des figures de combats d’arts martiaux.
Ce spectacle affligeant est le reflet d’une armée en retard d’un demi-siècle, sachant que les progrès technologiques et scientifiques ont changé la nature des guerres, qui se livrent aujourd’hui avec des drones, des missiles intelligents…
Conscient de son retard sur ce palier face à ses voisins, Said Chengriha a fait une sortie le 1er janvier dernier pour s’en plaindre indirectement. «Nos ennemis (...) tentent aujourd’hui de changer de tactique en recourant à l’espace cybernétique, aux réseaux sociaux et aux campagnes médiatiques de désinformation pour saper le moral de nos forces et de notre peuple. Nous sommes prêts à contrecarrer toutes ces tentatives», avait-il claironné.
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Est-ce avec cette armée de saltimbanques, tout fraîchement sortie d’une académie indigne des numéros dans une halqa, que Said Chengriha compte contrecarrer la guerre de quatrième génération?
Mais il faut reconnaître que le premier souci du régime algérien, à travers tous ces muscles nus, est de mettre en valeur les capacités anti-émeutes de l’armée algérienne. Il s’agit, à travers ces manœuvres initiées par l’armée de saltimbanques, de faire peur et de mettre en garde tous ceux, toujours nombreux, qui espèrent voir le Hirak populaire reprendre du jour au lendemain. En effet, pour la junte algérienne, le vrai ennemi auquel l’armée algérienne doit faire face en priorité n’est autre que le peuple algérien.