Algérie: le rapport-choc de Human Rights Watch

En république algérienne démocratique et populaire, les citoyens sont interdits de manifester! . dr

Dans son rapport 2017, Human Rights Watch, ONG américaine, dresse un tableau noir de la situation des droits de l'Homme en Algérie, dénonçant l'instrumentalisation de la "justice" pour étouffer toute forme de liberté et toute velléité d'opposition au régime sécurocrate et corrompu en place.

Le 10/02/2017 à 10h01

Un nouveau pavé dans la mare de la nomenklatura aux commandes en Algérie. Celui que vient de jeter Human Rights Watch, ONG américaine, à travers un rapport accablant sur la situation des droits de l'Homme. Le diagnostic est sans appel: "les autorités algériennes ont recouru de plus en plus en 2016 aux poursuites pénales à l'encontre de blogueurs, de journalistes et de personnalités du monde des médias pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d'expression, utilisant des articles du code pénal qui considèrent comme un crime le fait d’«outrager le président», d'«insulter des responsables de l'État» ou de «dénigrer l'Islam».

Le drame de feu Mohamed Tamalt, journaliste mort en prison le 11 décembre 2016 pour "offense au président de la république"!, est à cet effet l'illustration la plus affligeante du mépris quasi institutionnalisé envers les "historiens de l'instant", et le droit à l'information et à l'expression en général.

Signe des temps, le ministère algérien des Affaires étrangères a diffusé, pas plus tard qu'hier mercredi 8 février, un communiqué dans lequel il a attaqué littéralement la presse algérienne accusée de se faire délibérément l'écho des "rapports négatifs" établis par des parties étrangères, officielles ou de la société civile. "La main étrangère", encore !

Première conséquence de ce communiqué musclé, émanant de l'épidermique ministre Ramtane Lamamra, la presse algérienne a fait l'impasse sur le rapport de Human Rights Watch, s'abstenant de placer le moindre mot au sujet des conclusions décapantes y compris sur la politique de "mise au pas" dont cette même presse fait l'objet et dont elle paie les frais en se voyant fermer les vannes des subventions publiques et des annonceurs privés!

Mais passons, car les journalistes ne sont que l'arbre qui cache la forêt. Les autorités algériennes "ont également poursuivi en justice des militants syndicaux qui avaient organisé ou appelé à des manifestations pacifiques, sous des chefs d'accusation tels que «participation à un attroupement non autorisé», relève en effet HRW. "Plusieurs militants syndicaux ont subi des représailles pour avoir organisé ou participé à des mouvements de grève. Ils ont été suspendus de leurs postes sans compensation et n'ont jamais été réemployés", pointe encore l'ONG US. Et d'ajouter: "En 2016, l'Organisation internationale du travail (OIT) a recommandé que les autorités algériennes mettent fin à la pratique consistant à faire obstacle à l'accréditation de syndicats autonomes et rétablissent dans leurs fonctions tous les travailleurs suspendus ou congédiés en raison de leurs activités syndicales.

Interdiction de manifester

"L'interdiction des manifestations à Alger est appliquée strictement par les autorités, qui mobilisent d'importants effectifs de police pour entraver les manifestations et interpeller les participants, lesquels sont d'ordinaire gardés à vue pendant quelques heures avant d'être remis en liberté", dénonce HRW.

"Par exemple, la police a arrêté 20 membres de la Coordination nationale des enseignants contractuels qui avaient appelé à une manifestation à Alger les 21 et 22 mars, et les a gardés à vue dans des postes de police pendant plusieurs heures, puis les a remis en liberté sans retenir d'accusation contre eux", assène encore HRW.

Et ce n'est pas fini! "La police a arrêté des membres des familles de personnes victimes de disparitions forcées lors des violences des années 1990, ainsi que plusieurs militants des droits humains, alors qu'ils manifestaient le 30 août, à l'occasion de la Journée internationale des disparus, devant l'immeuble de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme à Alger. Elle les a gardés à vue pendant plusieurs heures, avant de les remettre en liberté sans retenir de chef d'accusation à leur encontre".

Les autorités ont même restreint le droit de réunion dans des lieux privés et abrités. Le 6 février 2016, le Syndicat national du personnel de l'administration publique (SNAPAP), un syndicat indépendant, a organisé un symposium sur la situation socio-économique en Algérie à la Maison des syndicats, un espace privé loué par le SNAPAP. La police a encerclé les lieux, en a empêché l'accès et a arrêté six dirigeants syndicaux qu'elle a gardés à vue pendant plusieurs heures, avant de les remettre en liberté sans retenir de chefs d'accusation.

Le Parlement a adopté, en février 2016, des amendements à la Constitution qui incluent la reconnaissance de la liberté académique et de la liberté de la presse, sans censure préalable et stipulant que le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté. Toutefois, la constitution conditionne l'exercice de ce droit, ainsi que d'autres droits, au respect de lois nationales qui les restreignent de manière substantielle.

Droit de réunion, connais pas!

La Constitution algérienne de 2016 proclame que «le droit de réunion pacifique est garanti dans le cadre de la loi, qui établit comment il doit être exercé » (article 49). "Dans la pratique, en s'appuyant sur une série de lois, les autorités algériennes violent régulièrement le droit à la liberté de réunion", observe HRW. "Le code pénal punit d'une peine pouvant aller jusqu'à un an de prison (article 98) l'organisation ou la participation à une manifestation non autorisée dans un lieu public. Les autorités d'Alger, la capitale, ont interdit sine die les manifestations publiques en 2001, lorsque le pays était sous le régime de l'état d'urgence. Les autorités n'ont pas levé cette interdiction lorsqu'elles ont mis fin à l’état d'urgence en 2011", fustige HRW.

En somme, rien ne va plus en Algérie qui, comme l'a dénoncé récemment The new York Times, continue d'être dirigée d'une poigne de fer par "un petit cercle de généraux et d'officiers du renseignement". Quant au président, personne, y compris en Algérie, n'est en mesure d'assurer s'il est encore capable de diriger. Diagnostiqué d'un Accident vasculaire cérébral en 2013, Abdelaziz Bouteflika continue de disparaître des écrans radars. Pour le plus grand malheur du peuple algérien frère qui ne sait plus à quel saint se vouer!

Par Ziad Alami
Le 10/02/2017 à 10h01