C’est la magie qui se retourne contre le magicien. Après avoir été l’un des plus importants relais de la propagande de la junte algérienne, traitant les opposants à ce régime de traitres, et insultant quotidiennement le Maroc, accusé de tous les maux de l’Algérie, le youtubeur Saïd Bensedira, actif depuis le Royaume-Uni, est aujourd’hui au cœur d’un bras de fer qui mine le pouvoir politico-militaire algérien. Il serait même à un doigt de faire l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par le tribunal algérois de Sidi M’Hamed… sur ordre du clan présidentiel. Ce clan, composé, entre autres, de Boualem Boualem, conseiller puissant de Tebboune, du général nonagénaire Ben Ali Ben Ali, patron de la puissante Garde républicaine, ainsi que du chef de la police, le Franco-Algérien Farid Zineddine Bencheikh, sort ses griffes face à celui des hauts gradés de l’armée.
Farid Zineddine Bencheikh a ouvert les hostilités en s’en prenant au youtubeur Saïd Bensedira, porte-voix attitré du clan des généraux, composé des protagonistes de la décennie noire qui a fait plus de 200.000 morts parmi les Algériens. Ce clan se compose de Khaled Nezzar et Mohamed Mediène dit Toufik, ainsi que de leurs hommes de main, dont Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Yahya Ali Oulhadj, chef de la gendarmerie, et Djebbar M’Henna, chef des renseignements extérieurs et de la lutte anti-subversion.
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Le youtubeur est en effet récemment tombé dans un traquenard, digne d’un règlement de compte de la pègre, que lui a tendu Farid Bencheikh à Paris, où il s’est fait subtiliser son smartphone contenant la liste de tous ses informateurs en Algérie. C’est sur la base de cette mine d’informations que le clan présidentiel a entamé une «purge» contre ses adversaires.
Jeudi dernier, Abdelghani Bensedira, maire de la petite commune de Birine (26.000 habitants) et frère de Saïd Bensedira, est arrêté avec plusieurs autres personnes. Officiellement, il est poursuivi dans une affaire de corruption et entendu par le pôle pénal chargé des crimes financiers et économiques près le tribunal de Sidi M’Hamed d’Alger. Mais d’autres raisons se référant indirectement à son frère ont été évoquées pour justifier l’arrestation de ce maire et ses supposés complices. Ainsi, selon la presse algérienne, il s’agit d’un «réseau faisant fuiter des documents émis par des organismes officiels, des enregistrement d’appels effectués par des agents publics ainsi que des informations liées à des dossiers judiciaires». En clair, tout ce qui faisait les choux gras des sorties quasi quotidiennes de Saïd Bensedira sur les réseaux sociaux.
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D’autres «sources» importantes du youtubeur ont été soumises à une ISTN (interdiction de sortie du territoire national), dont Lotfi Nezzar, fils et homme de main du général Khaled Nezzar. Il est probable que le placement sous contrôle judiciaire de Hassan Tijani Haddam, ancien ministre du Travail, de l’emploi et de la sécurité sociale (mars 2019-janvier 2020), et sous ISTN depuis 3 jours avec confiscation du passeport, soit lié à cette affaire.
Ce nouvel épisode de la guerre des clans en Algérie est à appréhender sous l’angle des élections présidentielles, prévues en décembre 2024. Et dans le clan des généraux de la décennie noire figure Chengriha, qui a abattu à bout portant un civil désarmé, selon le témoin oculaire, l’officier Habib Souaidia, qui servait sous ses ordres. Ce dernier, actuellement exilé en France, a publié en 2001 un livre intitulé «La sale guerre-Le témoignage d’un ancien officier des forces spéciales de l’armée algérienne», où il relate le crime de Chengriha à un moment où ce dernier était encore un parfait inconnu. Ce qui ne laisse pas de doute sur la véracité des faits rapportés. Ceci pour dire que ce qui unit le clan des généraux en guerre contre Tebboune, c’est qu’ils ont tous les mains tachées par le sang de civils innocents.
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Ce gang de généraux s’oppose au deuxième mandat d’Abdelmadjid Tebboune. La machine à salir de ce clan s’appelle Saïd Bensedira. Et comme Abdelmadjid Tebboune et ses fils ont trempé dans plusieurs affaires louches, la mission aurait été aisée pour le youtubeur de rappeler aux Algériens que l’homme qui brigue un second mandat est un corrompu qui a dû se justifier devant la justice au sujet d’une carte de crédit internationale gracieusement offerte par Abdelmoumen Khalifa. Son fils Khaled a été incarcéré dans le cadre de l’interception d’une cargaison de 701 kg de cocaïne dans l’affaire dite El Bouchi. En somme, Saïd Bensedira aurait pu tenir quotidiennement pendant six mois sans se forcer, tellement les casseroles de Tebboune et de ses fils Khaled, Mohamed et Salahedine Ilyas sont nombreuses.
Si Abdelmadjid Tebboune n’est pas réélu, il sait qu’il sera incarcéré en compagnie de ses enfants. Comprendre cela, c’est prendre la mesure de la férocité de la guerre que le clan présidentiel livre contre les généraux de la décennie noire. Car, il ne s’agit pas seulement pour le président sortant d’être réélu, mais d’éviter la taule.
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La première action d’éclat du clan présidentiel consiste à décrédibiliser Saïd Bensedira, le porte-voix patenté de Nezzar-Toufiq. Son téléphone lui a été volé lors d’une rixe dans la banlieue parisienne. S’en est suivie l’arrestation tonitruante de son frère.
Le vol du portable de Bensedira et l’arrestation de son frère sont une riposte à un épisode qui révèle l’ampleur de la peur de Tebboune face à un complot fomenté contre lui par les protagonistes de la décennie noire. En effet, Saïd Bensedira a révélé, au printemps dernier, que les généraux algériens ont été mis sur écoute téléphonique par le clan de Tebboune. Ce scandale a éclaté quand Chawki Boukhazani, PDG de l’opérateur public de téléphonie mobile Mobilis, a été kidnappé et interrogé par des agents de la Direction centrale de la sécurité de l’armée, en vue de savoir pour le compte de qui il espionnait les téléphones de nombreux généraux de l’armée algérienne, dont Saïd Chengriha. Tebboune a ordonné sa libération et l’a rétabli dans ses fonctions. Une décision téméraire à l’adresse des généraux. Mais il ne pouvait pas en faire l’économie, sous peine de tempérer l’ardeur des soldats dont il aura besoin dans son bras de fer avec les généraux impliqués dans les tueries de la décennie noire. Le message est clair: Tebboune n’abandonnera pas ses hommes.
Autre signe qui ne trompe pas dans cette guerre entre le clan Tebboune et celui des généraux, le communiqué publié le 9 juillet dernier par la présidence algérienne. En effet, la direction de la communication de la présidence algérienne a informé les médias qu’elle est la seule et exclusive source des informations sur les activités du chef de l’Etat. Elle a aussi ajouté sous le ton de la menace que «tout recours à d’autres sources, concernant l’activité présidentielle, est considéré comme de la désinformation, dont l’auteur assumera les responsabilités des faits».
En d’autres termes, le flot d’informations distillé indirectement par les services de renseignements et visant la présidence ne doit plus faire foi. La diffusion par Ennahar TV, le 20 juin dernier, de l’information faisant état de l’expulsion de l’ambassadeur des Emirats arabes unis en Algérie, pour espionnage au profit d’Israël, est un épisode significatif de ce bras de fer entre la présidence et le clan des généraux.
Tebboune, qui joue sa survie et celle de sa progéniture, sortira-t-il indemne de son bras de fer avec les protagonistes de la décennie noire? Même si c’est un homme rompu au système (plusieurs fois ministre depuis 1991), il n’a pas pu encore tisser des liens au sein de l’armée pour avoir l’équivalent de Gaïd Salah pour décimer ses adversaires. Il mise sur le général de corps d’armée Ben Ali Ben Ali, âgé de 89 ans. Ce dernier est-il l’homme de la mission? A-t-il l’envie et la force pour se dresser contre les redoutables généraux de la décennie noire?
En tout état cause, il existe aujourd’hui une seule certitude: 2024 est l’année de tous les dangers pour Tebboune… et pour l’Algérie.