Les interminables guerres intestines entre les divers clans du pouvoir politico-militaro-sécuritaire algérien semblent connaître actuellement une accalmie de façade, en attendant de reprendre de plus belle dès le lendemain du 7 septembre prochain, date à laquelle les Algériens se réveilleront sur un nouveau parachutage de Tebboune par les hauts gradés de l’armée. La récente condamnation à 10 ans de prison ferme de trois officiers supérieurs, tous anciens cadres des services de renseignement algériens, constitue un tournant dans les vendettas sans merci que se sont livrées, pour ne parler que des péripéties des cinq dernières années, les différents clans -ou plutôt gangs- qui se disputent la mainmise sur le pouvoir en Algérie. Cette fois-ci, ce sont des officiers proches de l’entourage, voire comptés sur le clan du général Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’armée algérienne, qui sont lourdement condamnés.
En effet, l’éclatement de cette affaire, l’un des plus grands scandales impliquant l’armée algérienne, qui ne sait d’ailleurs rien faire d’autre qu’ourdir des machinations contre des personnalités et institutions de l’Etat, date de l’été 2022. Deux généraux, à savoir Noureddine Makri, dit Mahfoud, alors patron des renseignements extérieurs (DDSE) de janvier 2021 à mai 2022, et Sid Ali Ould Zmirli, patron des renseignements militaires (DCSA) de mars 2020 à septembre 2022, ont été successivement limogés, emportés par ce scandale monté par leurs bras droits respectifs.
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Malgré le caractère hautement sensible de leurs missions, les généraux Mahfoud et Sidi Ali avaient en commun d’être gravement malades et le plus souvent absents de leur lieu de travail, avec la bénédiction de leur protecteur Saïd Chengriha. C’est ce qui a permis à Tarek Amirat, adjoint de Mahfoud, et Omar Ould Zmirli, frère cadet de Sid Ali, d’avoir toute la latitude pour manigancer leurs plans machiavéliques de 2021 à 2022. Des rapports au vitriol, mais créés de toute pièce en vue de mettre en cause des personnalités civiles et militaires, étaient régulièrement confectionnés par le duo Tarek Amirat-Omar Ould Zmirli, avec l’aide du commandant Abderrahmane et sept autres officiers, tous arrêtés en août 2022, et dont la plupart ont été libérés quelques semaines plus tard. Des archives «secret défense», documents sensibles et autres dossiers d’enquêtes réalisés par les agents de la DCSA et de la DDSE ont été manipulés, sciemment fuités au profit de blogueurs à l’étranger ou détruits, selon qu’il s’agissait de promouvoir et réhabiliter une personnalité ou d’en dénigrer une autre.
Les hommes de la Mouradia, à leur tête le président Abdelmadjid Tebboune en personne, mais aussi sa famille et son puissant conseiller, Boualem Boualem, étaient particulièrement ciblés. Tarek Amirat aurait même cherché à obtenir une nomination en tant que chargé du bureau de sécurité au sein de l’ambassade d’Algérie à Berlin, dans le seul objectif de récupérer le dossier médical de Tebboune, relatif à son hospitalisation d’octobre 2020 à février 2022 en Allemagne.
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Ce volet du dossier médical de Tebboune et le grand intérêt que lui portent les renseignements algériens, pose des questions sur les commanditaires réels de ce «complot», qui a eu au moins le mérite de confirmer qu’en août 2022, les tentatives d’empêcher Tebboune de briguer un second mandat battaient déjà leur plein. Qu’est-ce qui a alors changé depuis pour que Tebboune, qui allait apparemment être écarté par un coup d’État médical, redevienne subitement le candidat adoubé par certains généraux ayant finalement décidé de le prolonger à la Mouradia?
Ce qui est certain, c’est que ce scandale, lors de son éclatement, a permis aux protagonistes de la décennie noire des années 1990 de reprendre en main les services de renseignement, à la tête desquels on retrouve aujourd’hui les généraux Djebbar M’henna (DDSE) et Nacer El Djenn (DGSI). C’est d’ailleurs ce dernier qui a piloté les enquêtes concernant ledit complot, alors qu’il sévissait au centre Antar, avant d’activer et d’accélérer, une fois devenu patron de la DGSI, le procès des mis en cause, reporté à plusieurs reprises durant ces deux dernières années de crainte d’un déballage, puis tenu à huis clos.
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Cet acharnement de Abdelkader Haddad, le vrai nom de Nacer El Djenn, contre les officiers du renseignement comploteurs serait-il derrière le refus de Saïd Chengriha de l’installer officiellement à la tête de la DGSI, où il avait déjà pris les commandes depuis plusieurs mois? Tout laisse croire que la condamnation de ces officiers du renseignement, qui a été prononcée, soit dit en passant, le même jour où Tebboune a, enfin, annoncé sa candidature à un second mandat présidentiel, marque le début d’une trêve provisoire entre les différents protagonistes du pouvoir en Algérie.
Cette accalmie précaire entre clans ennemis en Algérie met en sourdine les purges, sans pour autant les suspendre. À ce sujet, les réseaux sociaux ont fait le buzz avec l’annonce, le 20 juillet courant, de la fausse mort de Mohamed Mediène dit Toufik (85 ans au moins), le toujours puissant homme fort de l’Algérie et unique mentor, après le décès du criminel de guerre Khaled Nezzar, des protagonistes de la décennie noire. Par cette fausse annonce, certaines voix ont probablement voulu passer ce message: comment Toufik a-t-il pu laisser Tebboune rempiler pour un second mandat, alors qu’il s’agit d’un homme sorti tout droit du képi de feu le général Ahmed Gaïd Salah?