Pour tenter d’évacuer la pression énorme que fait peser sur lui la scandaleuse fuite en Espagne du plus puissant général des services de renseignements algériens, Nacer El Djinn, le régime algérien, personnifié par le duo Chengriha-Tebboune, a choisi la méthode de la diversion futile.
Vendredi 26 septembre, la télévision et la radio publiques algériennes ont simultanément diffusé un nouvel épisode de ce qu’elles appellent communément l’«entrevue périodique du président de la république avec les médias nationaux».
Face à trois journalistes, il a suffi à Tebboune une petite heure et quelques minutes pour endormir les rares téléspectateurs et auditeurs qui ont pris la peine d’écouter son bavardage soporifique.
Dès l’entame de cette entrevue, le ton a été déjà donné par les visages crispés aussi bien des journalistes que de Tebboune. L’heure est effectivement grave et on imagine clairement pourquoi. La salle d’El Mouradia où se tenait l’entrevue était hantée par la diabolique évasion vers l’Espagne de la boîte à secrets du régime algérien, l’ancien patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le général-major Abdelkader Haddad, alias Nacer El Djinn.
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Pourtant en l’espace de quelques secondes, d’aucuns ont cru que ce désormais sujet tabou pour le régime algérien allait être abordé, quand la première question posée à Tebboune, en français, est entamée en ces termes: «Votre parole est attendue, votre parole est commentée et scrutée…» Mais ce journaliste n’a fait que tendre le crachoir à Tebboune pour lui permettre de débiter des louanges sur un thème anodin et dépassé, à savoir l’insignifiante 4ème édition de la Foire commerciale intra-africaine qui s’est tenue à Alger du 4 au 10 septembre.
Dans cette entrevue, diffusée en différé, et dont des bribes ont été divulguées dans la presse locale plus de 12 heures avant sa diffusion, Abdelmadjid Tebboune a clairement exprimé son mépris pour les Algériens. Il est en effet inconcevable que le régime algérien mobilise armée, police et gendarmerie, hélicoptères et forces navales… pour soumettre pendant plus de 48 heures toute la capitale du pays, ses environs et ses millions d’habitants à un quadrillage sécuritaire systématique et sans précédent, sans en donner la moindre explication. Des centaines de milliers d’Algériens ont été bloqués pendant plusieurs heures sur les axes routiers allant de ou vers Alger. Des milliers de voitures ont été fouillées sans ménagement par les policiers, gendarmes, militaires et chiens renifleurs. Finalement, la traque de Nacer El Djinn, qui a réussi à s’évader vers le 18 septembre grâce à de nombreuses complicités, a été un fiasco, puisqu’il a fait un bras d’honneur à Chengriga depuis l’Espagne.
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En faisant l’impasse sur l’affaire de ce énième général fugitif, dont l’évasion tient toujours en haleine l’opinion algérienne, Tebboune s’est plié aux consignes de l’omerta imposée par le chef d’état-major de l’armée, le général Said Chengriha. Ce dernier a tenté de maquiller le récent siège de la capitale et la traque ratée de Nacer El Djinn avec une présumée opération antiterroriste. D’où sa sortie théâtrale à Tebessa, à la frontière tunisienne, pour annoncer que ses troupes ont réalisé un «acte héroïque», une «bravoure» en éliminant, mardi dernier, 6 présumés terroristes armés.
Mais, bien évidemment, face aux gesticulations et bavardages du duo Chengriha-Tebboune, les Algériens ne sont pas dupes. Ils se réjouissent même que Nacer El Djinn, un monstre qu’ils vomissaient hier, ait réussi aujourd’hui à échapper à un système maudit. Car il est de notoriété que les tous les généraux qui se sont succédé à la tête des différents services de renseignements algériens depuis 2020 ont connu des destins dramatiques. Immédiatement après leur limogeage, la quasi-totalité de ces généraux a été jetée en prison, avec ce que cela entend comme interrogatoires, tortures et procès expéditifs et bâclés. Sur les 16 généraux limogés depuis 2020, un seul a échappé à la prison ou à la résidence surveillée. Il s’agit du général Djamel Kehal Medjdoub, actuellement hospitalisé à Bruxelles suite à un AVC. Son successeur, Nacer El Djinn, a connu lui aussi la prison lors de sa chute en mai dernier, avant de fuir l’enfer qu’il a lui-même fait goûter à d’autres, mais qu’il n’a pas accepté de subir en choisissant l’évasion.
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Tebboune a également fait diversion sur le drame de Oued El Harrach, qui a non seulement fait 18 morts, mais révélé aux Algériens l’absence hors du pays de leur président. Il a ainsi maquillé ses soins à l’étranger en prétendant qu’il était en vacances dans une résidence d’État avec sa famille et ses proches. Aucun des trois journalistes complaisants n’a pu lui demander pourquoi il ne s’est pas déplacé de cette résidence à Alger pour apaiser les rescapés et les familles des noyés dans les eaux polluées de Oued El Harrach.








