Surnommés par la presse les «Bonnie & Clyde» marocains de YouTube, le couple que forment Dounia et Adnane Filali n’a pas fini de faire parler de lui. De super stars médiatiques qu’ils aspiraient à être, les voici aujourd’hui confrontés à un renversement de situation qu’ils n’avaient vraisemblablement pas vu venir. Portés par le soutien médiatique inconditionnel (et bien naïf) que leur ont accordé le journal Libération, et les chaînes France 24 et TV5 Monde, ce couple de youtubeurs pensait avoir réussi sa mue et effacé comme par magie sa vie antérieure et les propos tenus naguère. Tout s’oublie avec les jours, surtout de la part de certains médias français empressés à gober des récits d’un couple qui se bat, par conviction, contre l’«ogre makhzénien» et ses multiples relais.
Cette image, soigneusement façonnée, d'une lutte inégale, telle celle de David contre Goliath, fait passer le couple Filali aux yeux du monde comme les victimes d’un régime répressif, ou comme les chantres d’une liberté d’expression menacée par les sbires de la monarchie marocaine. Certes, leur message a porté dans un premier temps en France, mais le couple a bien vite déchanté, rattrapé par son passé pas si lointain, car sur internet, rien ne se perd…
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Dans cette vidéo réalisée par Le360, sont données à voir et à entendre les motivations qui ont amené ce couple de privilégiés à basculer du côté d’une prétendue opposition. Dans ce changement de trajectoire, il n’y a ni convictions politiques, ni engagement sociétal, mais assurément l’appât du gain et la crainte de voir s’interrompre les bénéfices d’un business juteux. Voici l’histoire sans filtre de ces pieds nickelés de la cyber-dissidence marocaine.
Il était une fois, les Filali défenseurs de la monarchie marocaineDounia Filali, que la presse française nous vend aujourd’hui comme étant la dissidente au visage poupon d’un régime marocain corrompu et répressif, n’a pas toujours été cette républicaine qui affirme sans sourciller au quotidien français Libération «notre seul problème, c’est Mohammed VI, semblable à Louis XIV, le roi Soleil. Il concentre tous les pouvoirs».
Nul besoin de remonter à Mathusalem pour le prouver. Un petit saut de puce dans le temps, suffit… direction le 1er décembre 2019. «Dans n’importe quel pays, il y a des sujets sacrés et intouchables. A savoir le Roi, la religion et Dieu», déclarait-elle dans une vidéo postée sur sa chaîne YouTube. Un moment d’égarement? Loin de là. La revoici, le 2 janvier 2020, déclarant que «les Marocains sont tous royalistes (…) des gens portent atteinte à l’image du Roi et moi je défends le Roi face aux personnes qui tentent de nuire à son image».
Et la revoilà encore, le 4 juillet 2020, tenant le même discours et n’ayant toujours pas viré sa cuti. «Je ne reconnais qu’un seul souverain. Notre Roi Mohammed VI et ma devise, pour toujours, est Dieu, la Patrie, le Roi». Mais ça c’était avant… Que s’est-il passé pour que son discours, et ses convictions, changent radicalement?
Car très peu de temps après avoir défendu mordicus la monarchie marocaine, Dounia Filali s’essaie, le 10 mai 2021, dans un tout autre exercice de style.
«La monarchie est l’autorité suprême, qui contrôle tout au Maroc», affirme-t-elle, allant jusqu’à appeler les Marocains à la révolte, dans une vidéo datant du 22 novembre, où le Roi qu’elle défendait bec et ongles quelques mois auparavant est soudain qualifié de «dictateur».
La pseudo-dissidence, le dernier refuge des hors-la-loiPour mieux comprendre ce revirement soudain, il faut se pencher sur le business frauduleux de ce couple, qui, avant de verser dans la dissidence politique, s’était spécialisé dans la vente de smartphones factices au Maroc et dans la diffamation, à travers une affaire qui avait bien défrayé la chronique scandaleuse dans le pays: Hamza mon BB.
Le couple s'est ainsi fait connaître pour sa médiatisation, depuis la Chine où il est installé depuis 2017, de l’affaire Hamza mon BB, celle d'un compte Snapshat et Instagram qui révélait des informations compromettantes sur des stars marocaines. Les Filali ont fait de cette affaire leur fonds de commerce et ont mis plusieurs stars marocaines dans leur collimateur en les accusant d’être derrière ce compte, allant jusqu’à faire du namedroping à tout va et provoquer ainsi des incarcérations, voire des suicides au sein du showbiz marocain. La chanteuse Dounia Batma, principale cible du couple, décide alors de déposer une plainte à leur encontre au Maroc.
En parallèle, Adnane Filali et sa femme poursuivent leur activité commerciale première, l’exportation de produits contrefaits et défectueux, mais cette fois-ci de la Chine vers l’Europe, en passant par le Royaume-Uni. Un business juteux, car dans un premier temps, ceux-ci, installés à Shenzen, capitale mondiale de la contrefaçon, bénéficient d'avantages fiscaux liés aux exportations commerciales entre Hong Kong et le Royaume-Uni sans paiement de la TVA. Mais c’était sans compter sur le Brexit, qui a mis fin à cet âge d’or, ainsi que l’arrivée de la pandémie, qui a mis le commerce mondial au point mort. La messe est dite, le couple Filali est contraint de mettre en veille son entreprise, HKDN limited company, le 16 octobre 2020, à défaut de pouvoir faire face aux charges de cette société domiciliée à Hong Kong.
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Que faire alors pour continuer de bénéficier du visa M dont dispose Adnane Filali, sans pour autant justifier de cette activité commerciale qui lui permettait de l’obtenir? Comment faire bénéficier à son épouse du visa familial dont elle bénéficiait grâce à l’activité de son époux? Acculé, le couple se retrouve dans une situation précaire en Chine, et sous le coup d’une expulsion vers le Maroc où ils auraient eu maille à partir avec la justice.
C’est là que tout bascule et que les fervents défenseurs de la monarchie marocaine qu’ils étaient alors se glissent dans la peau de deux dissidents, marchant ainsi dans les pas de leur ami de longue date, Zakaria Moumni. Objectif: obtenir un statut de réfugié politique pour pouvoir prolonger leur séjour en Chine, faute de visa.
Le 12 novembre 2020, soit un peu moins d’un mois après l’interruption de leur business en Chine et après avoir donné le ton de leur nouvel engagement anti-monarchie sur leurs chaînes youtube, les Filali déposent une demande d’asile politique auprès du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies en Chine. Puis, le 22 juillet 2021, c’est cette fois-ci vers la France que les Filali mettent les voiles, espérant y décrocher un statut d’exilé politique, après l’avoir prétendument obtenu en Chine le 12 août de la même année.
La France, «le pays du camembert» et le dindon de la farceLe discours anti-régime marocain porté par le couple trouve écho dans quelques médias français. Etre opposant à la monarchie, ça fait vendre, faut-il croire. Prompts à publier la version de Dounia et Adnane Filali sans avoir pris le soin de vérifier au préalable ni leurs dires ni leur passé, ces médias ont alors vu se refermer sur eux le piège du plus anti-français et antisémite des couples d’influenceurs.
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Leurs positions antisémites, racistes, pro-hezbollah et armée iranienne ont, depuis, été dévoilées dans la presse car ceux-ci ne s’en sont jamais cachés, et affichaient fièrement leurs avis, à coups d’injures, d’insultes racistes et xénophobes, de «quenelles» et de doigts d’honneur, sur les réseaux sociaux.
Quant à leur amour pour la France, leur nouvelle patrie espèrent-ils, c’est encore Adnane Filali qui en parle le mieux, dans une vidéo publiée le 28 mai 2020 sur sa chaîne Youtube: «on n’a pas besoin d’être français, ni en France, pour être révoltés par l’humiliation extrême et le déshonneur que fait subir la France à son peuple (…) Je souhaite par cette vidéo être interdit du territoire français, et si par mégarde mon cerveau me fait défaut en me faisant acheter un billet pour le pays du camembert, je préfère qu’on me fasse retrouver raison à la frontière et qu’on m’y empêche d’entrer (…) Et pour les clandos et immigrés du monde entier, touristes en tout genre, laissez tomber, ce pays! Boycottez-le jusqu’à ce que le pouvoir en place tombe et soit remplacé par des vrais représentants du peuple! (…) A votre place, j’aurais honte d’être français que ce soit d’origine maghrébine, juive, polonaise ou français de souche. (…) Je n’aurais plus que ces mots à dire pour le peuple marocain “Allah, el Watan, al Malik“ et pour le peuple français que j’aime autant que le mien, “aux armes citoyens“».
Si les autorités françaises ne se sont pas encore prononcées sur la demande d’asile politique des Filali, c’est à une véritable levée de boucliers d’associations et organismes de la société civile française que fait face le couple pour ses positions antisémites, racistes et anti-françaises.