«L'Algérie est ciblée comme le confirment les indicateurs de réelles menaces à nos frontières, aux portes desquelles est arrivée l'entité sioniste», s’écrie le Premier ministre algérien Abdelaziz Djerad. «Israël est en train de construire une base militaire au Sahara», ou encore «des drones espions israéliens déployés tout au long de nos frontières ouest», amplifient les relais médiatiques du régime algérien. Ce charivari, qui dénote l’état d’hystérie dans lequel se trouvent les décideurs algériens, est un chapelet de fake news qui sont en train de devenir la doctrine d’Etat d’un régime qui cherche à avoir une emprise sur le réel par le mensonge.
Les services algériens substituent l’intox au renseignement. En effet, depuis le limogeage du général «Toufik», en 2015, et la dissolution du tristement célèbre Département du renseignement et de la sécurité (DRS), les services algériens traversent une longue zone de turbulence dont ils ne voient pas le bout. Le manque de fiabilité de leurs informations se ressent sur la lucidité et l’efficacité de leurs dirigeants, qui, manquant de renseignements fiables, sont condamnés à naviguer à vue. Cela constitue surtout une source d’inquiétudes pour les chancelleries étrangères, qui savent que les différentes purges et les règlements de compte au sein de l’armée ont dévitalisé les services algériens, qui communiquent des fiches approximatives aux décideurs, complètement hors-sujet, par exemple, sur la Libye, pays avec lequel l’Algérie partage, sur près de 1000 km de frontières, le Sahel et le Sahara atlantique.
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Chez les services israéliens, en revanche, on doit hurler de rire à chaque nouvelle intox, droit sortie de l’imaginaire des équipes de la DGSI ou la DGSDE algériennes, qui changent de patron comme l’on changerait de chaussettes.
Bien avant le rétablissement des relations entre Rabat et Tel-Aviv, et le lot de fantasmes qu’il a engendré chez les services algériens, ces derniers voyaient les soldats de Tsahal partout.
En juin dernier, un site algérien a poussé l’imaginaire encore plus loin, en annonçant l’édification d’une base militaire à Jerada, destinée à abriter «des structures d’espionnage électronique», avec «l’aide des Israéliens». «C’est l’exemple-type de désinformation destinée à surdimensionner l’intérêt que représente un pays, car quel intérêt a Israël à espionner l’Algérie? Que représente l’Algérie pour Israël?», s’interroge cet expert en communication de crise. Et de détailler: «l’idée est de donner l’illusion à la population que l’Algérie est toujours une puissance redoutée que les sionistes -comme ils l’appellent- cherchent à espionner avec l’appui du pays voisin».
Il convient de rappeler que la base de Jerada n’est qu’une «petite caserne à vocation d’hébergement de troupes sans but opérationnel», comme l’avait expliqué l’Administration de la Défense nationale.
Pourtant, même le président algérien Abdelmadjid Tebboune donne de la crédibilité à une infox. Le chef de l’Etat algérien, lui-même, a relayé de purs phantasmes sur la base de Jerada, en affirmant, dans un entretien au journal français L’Opinion, que «la construction de bases militaires à nos frontières est une forme d’escalade qui doit s’arrêter».
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Quand il s’agit d’intox à l’égard du Maroc, l’APS, en agence d’Etat bien disciplinée et épaulée par des médias relais, ne recule devant rien. Elle peut se permettre d’ériger un document fallacieux en doctrine du Parlement européen, comme cela a pu être le cas en novembre dernier; à attribuer à l’ambassadeur palestinien en Algérie des propos qu’il n’a jamais tenus au sujet du Sahara; ou encore de reformuler à leur guise les décisions du sommet de l’Union Africaine traitant du conflit du Sahara.
Les médias algériens, dont l’APS et les chaînes nationales de télévision, sont d’ailleurs les seuls au monde à relayer les communiqués quotidiens, numérotés, d’une guerre que le Polisario ne mène que sur une vieille console de jeu (avant l’ère d’Atari). Et ils se livrent même dans la production de faux reportages de guerre d’une qualité audiovisuelle qui ne tromperait pas un non-voyant. En atteste d’ailleurs une grotesque mise en scène, au sujet d’un échange de tirs entre le Polisario et les FAR, diffusée le 25 décembre sur la télévision algérienne.
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A leur décharge, ces relais médiatiques du régime militaire ne s’adonnent pas à de la désinformation qu’uniquement à l’égard du Maroc. Leurs donneurs d’ordre poussent l’indécence jusqu’à déformer des propos de chefs d’Etat étrangers, ou de rééditer des rapports d’organisations internationales.
En novembre dernier, l’APS avait titré que la chancelière «Merkel se réjouit que le Président Tebboune se soit remis de son infection au coronavirus», suite à laquelle il s’était fait soigner pendant deux mois en Allemagne. L’Office de presse et d’information du gouvernement fédéral allemand ne s’est pas embarrassé de démentir formellement une telle allégation. Quelques semaines auparavant, c’est le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme à Genève qui a dû très officiellement réagir, pour mettre «en lumière des informations fallacieuses concernant l'Algérie», après la publication par l’agence algérienne «d'un certain nombre d'articles déformant le fonctionnement du système des Nations unies».
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L’agence de presse de l’Etat algérien, et ses relais, ont ainsi perdu toute crédibilité auprès des chancelleries et organisations internationales à force de véhiculer ce type d’informations fallacieuses. Ces fake news ne trompent même plus le peuple algérien, de plus en plus lucide sur les mensonges distillés dans les médias officiels, et qui a migré massivement vers les réseaux sociaux pour s’informer.
Finalement, il n’y a que les dirigeants algériens qui croient aux mensonges de leurs propres services. Et quand ils s’en rendent compte, il est généralement trop tard. Le président Abdelmadjid Tebboune, qui a constaté, en plein Haut Conseil de sécurité, que le nouvel ordre régional a connu des «développements inédits», a dû être le dernier informé de ces «développements» qu’il évoque.