Pour peu qu’on ait des soupçons, des doutes, cette petite voix qui nous met en garde et qu’on n’arrive pas à faire taire, nous avons tous voulu être un jour cette petite souris qui s’immiscerait dans le quotidien de l’autre, sans se faire prendre, pour l’espionner en douce.
Faute de pouvoir se transformer, certains décident de passer à l’acte en engageant un enquêteur privé.
Et si les soupçons d’adultères représentent les cas les plus soumis aux détectives marocains, d’autres demandes d’investigations, émanant, d’entreprises gagnent du terrain. Dans un métier en pleine expansion, mais souffrant toutefois encore d’un flou juridique, il convient plus que jamais de se méfier des charlatans. Le point avec les pros.
L’adultère, un cas de conscience«50% de notre chiffre d’affaires provient des enquêtes avant et après mariage, des problèmes conjugaux et familiaux », avance Mehdi, fondateur de Maroc Investigation. Mais si les soupçons d’infidélité sont ainsi le plus souvent à l’origine des appels qu’il reçoit, il n’en demeure pas moins que le détective privé prend ses précautions quand il s’agit d’accepter de traiter une affaire d’adultère.
Fier de n’avoir jamais été à l’origine du divorce d’aucun couple, l’enquêteur se met un point d’honneur à refuser systématiquement les demandes de constats d’adultère qui entrainent généralement l’intervention de la police et un passage par la case prison pour les couples adultérins pris en flagrant délit. «Il y a des limites et des principes à avoir», explique-t-il avant de conclure: «je peux avoir quinze appels par jour et tous les refuser».
Les sociétés, un nouveau type de clientèleDu côté de Mustapha, fondateur de l’agence Formax Investigations, les sociétés constituent 40% de sa clientèle. « Les entreprises font appel à nous pour faire des investigations de différents ordres. La concurrence déloyale, la contrebande, les clients mystérieux, le comportement de cadres, le risk management, l’espionnage industriel…», énumère-t-il.
«Nous aidons les grandes entreprises et les multinationales à gagner ainsi beaucoup d’argent», explique Mustapha qui souhaiterait élargir son portefeuille de clients-entreprises.
Et pour cause, le jeu en vaut la chandelle avec des honoraires qui peuvent atteindre jusqu’à 1 million de dirhams pour cette agence d’investigation. Malheureusement, «les acteurs du secteur privé ne savent pas encore qu’il existe des personnes pour les aider à développer leurs activités», conclut-il.
Pour Mehdi aussi, les sociétés représentent une grosse part de la clientèle. Outre les enquêtes sur les clients mystères, il procède aussi à l’infiltration au sein de l’entreprise, au contrôle et à l’analyse des CV.
Les contrats se font en toute transparence, tient à préciser Mustapha: «je paie mes impôts, ma TVA et j’établis des bons de commandes et des factures avec ordre de mission».
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Combien ça coûte ?Tout le monde ne peut pas faire appel à un détective privé. Pour cela, il faut avoir certains moyens financiers.«Ca coute cher parce que la prestation nous coûte cher. Pour surveiller une seule personne, il faut faire appel à cinq agents qui ont chacun des véhicules», explique ainsi Mehdi, qui évalue le tarif d’une journée de travail à 2500 dirhams.
«Pour faire une filature, il faut récolter des preuves. On ne fait pas appel à des agents de sécurité comme le font certains mais à des vrais pros qui savent mener une filature», poursuit Mustapha.
Un tarif certes élevé mais que l’on ne peut attribuer à des horaires de travail. «On suit la personne à partir du moment où elle sort jusqu’à ce qu’elle rentre. Nous ne sommes pas soumis à des horaires mais à des objectifs», explique à ce sujet Mehdi.
Le détective privé doit aussi être à la pointe de la technologie pour pouvoir apporter des preuves à son client.
«Si ta cible est dans un café, tu ne peux pas ramener des jumelles. Tu utilises alors des lunettes caméra ou une montre caméra» confie Mehdi en parlant des gadgets privilégiés par la profession.
Comment éviter les arnaqueurs ?«Côté législation, nous sommes constitués en société et nous avons des autorisations de l’Etat. L’activité est très claire et les limites bien tracées», estime Mehdi.
Du côté de Mustapha, ancien commissaire de police reconverti dans le métier de détective privé, on émet beaucoup plus de réserves et de mises en garde.
«Aujourd’hui, dans le monde de l’investigation, nous sommes confrontés à un flou juridique. Malheureusement, il n’existe pas de loi qui encadre le métier», annonce-t-il, lui qui fait partie d’une association de professionnels actuellement en pourparlers avec le ministère de la Justice.
Alors à qui avons-nous affaire sur le terrain ? L’ancien commissaire classe les détectives privés en trois catégories.
D’un côté, les agences d’investigation comme la sienne qui possèdent un registre de commerce annonçant: «bureau d’étude et d’investigation, filature, surveillance et recherche de preuves au profit des particuliers et des professionnels». Le détective professionnel ne travaille pas seul. «Tous les bureaux d’investigation, aux normes de la loi, travaillent avec d'anciens cadres de police et non avec des agents de sécurité comme le font certains», explique-t-il.
La formation, elle aussi, a son importance. «Il n’y a pas d’école professionnelle de détectives privés au Maroc. Moi, je suis ancien commissaire de police, ayant servi pendant 28 ans. J’ai pris ma retraite anticipée et je suis parti en Europe, où j’ai côtoyé des agences de détectives privés. J’ai fait des stages et des formations et j’ai obtenu un agrément de la part de ces agences pour que je puisse travailler au Maroc, car on ne peut obtenir cet agrément ici », explique Mustapha.
Viennent ensuite les détectives amateurs, «ceux qui ont une petite moto et un téléphone, mais qui ne pourront rien faire si on les met sur un cas d’adultère», explique le détective.
Puis enfin, il y a les arnaqueurs. «Ils montent un site web affichant un numéro de téléphone. Pour vous rencontrer, ils vous donnent rendez-vous dans un café et en terme de tarifs, ils vous demanderont 2000 ou 3000 dirhams pour une affaire qui en coûterait normalement 30 ou 40.000. Une fois l’argent reçu, ils disparaissent dans la nature».
Mais qui sont ils ces charlatans? «Il peut s’agir d’ex-cadres de la police», explique Mustapha, et de préciser que «même si certains étaient policiers, ils étaient en fait agents de circulation». Un parcours dans les forces de l’ordre certes, mais qui n’en fait pas pour autant des enquêteurs. «On peut passer 7 à 8 heures à surveiller quelqu’un sans le quitter des yeux. C’est un métier très pénible».
Pour ne pas tomber dans le piège, «il faut appeler un numéro fixe, aller voir le bureau du supposé détective, demander des références et des diplômes, en criminologie par exemple».