Interview. Iman Oubou, la 1ère Marocaine à faire partie du jury de Miss Univers

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Iman Oubou, 30 ans, est originaire d'Agadir. Partie s'installer aux Etats-Unis avec sa famille en 2005, elle décroche 10 ans plus tard le titre de Miss New York. Aujourd'hui, elle a intégré le premier jury 100% féminin de Miss Univers. Rencontre avec une féministe comme on les aime...

Le 17/12/2018 à 11h50

C’est la première fois qu’un jury de Miss Univers se trouve être constitué de femmes et vous en faites partie. Quel est votre sentiment à ce sujet ?C’est quelque chose d’extraordinaire à mes yeux ! C’est un fait historique et je suis honorée et fière de faire partie de ce premier jury féminin. Je pense que l’organisation de Miss Univers a choisi un jury qui reflète son engagement à améliorer les opportunités pour les femmes que ce soit d’un point de vue personnel ou professionnel.

L’organisation du concours a également choisi un groupe de femmes leaders dans leurs domaines respectifs qui pourraient endosser le rôle de modèle et même de mentors pour les jeunes femmes qui participent au concours. Après tout, c’est une entreprise régie par des femmes au service des femmes et je pense donc que la décision de composer le jury exclusivement de femmes est une manière de les encourager à se soutenir les unes les autres. C’est par ailleurs ma propre mission, tant personnelle que professionnelle, que celle de donner plus de pouvoir aux femmes, de mettre en lumière les femmes leaders. Etre associée à un tel évènement a beaucoup d’importance pour moi.

C’est aussi la première fois qu’une femme marocaine intègre ce jury. Qu’est ce que cela représente pour vous ?Je suis plus qu’honorée de pouvoir me faire le porte-voix des Marocaines et de représenter le pays dans des évènements de ce type. Nous, les femmes marocaines, avons tant à offrir et comme je l’ai dit précédemment lorsque j’ai remporté le concours de Miss Colorado, puis celui de Miss new York, je continuerai à faire entendre ma voix pour représenter les jeunes femmes du Maroc, ma culture et mon pays à l’échelle internationale.

Ma prochaine grande mission est de m’impliquer davantage dans le concours de Miss univers afin de pouvoir y faire participer une représentante du Maroc et faire ainsi concourir le Maroc pour le titre de Miss Univers.

Comme je le mentionnais dans une interview pour Vogue Arabia, très peu de femmes arabes se présentent dans ce type de concours et c’est regrettable. Je ne peux donc à ce stade que rêver que le Maroc en fasse partie un jour et je m'attelerai les deux prochaines années à apprendre plus sur les procédures d’inscription des pays à ce concours. Il faudra ensuite que je rencontre quelques entités au Maroc afin de déterminer laquelle sera la plus à même de prendre en charge la sélection et le suivi de la prochaine « Miss Maroc Univers. »

Comme nous avons pu le constater au cours de ces dernières années, les femmes marocaines ont beaucoup de succès à l’international et remportent beaucoup de concours de beauté dans les pays occidentaux. Alors pourquoi ne pas mettre à leur disposition les moyens nécessaires pour qu’elles représentent leur propre pays à ce niveau ?

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Vous avez été élue Miss New York en 2015, à quoi ce titre vous a-t -il servi jusqu’à présent ?Le moment où j’ai remporté le prix de Miss New York en 2015 correspond à un tournant majeur dans ma vie et ma carrière. Ce titre m’a donné les moyens de faire entendre ma voix et m’a fait prendre conscience de mon potentiel.

Sans ce titre, je ne serai pas là où je suis aujourd’hui, en grande partie grâce aux valeurs et aux opportunitéss que cela m’a apporté.

Ce concours m’a beaucoup appris sur les relations entre sœurs, la discipline, le fait de faire attention à soi, le dur labeur et le pouvoir d’avoir une voix, de l’utiliser pour assoir le changement et mon engagement dans la défense de causes sociales qui me passionnent.

Après avoir remporté ce titre, j’ai décidé d’utiliser cette opportunité pour militer pour le renforcement du rôle de la femme dans la société, encourager plus de femmes à concilier leur féminité et leur place de leader.

Cette cause que j’embrassais était motivée par ma propre expérience. J’ai réalisé à ce stade à quel point la société essaie constamment de mettre les femmes dans des petites cases, de leur coller des étiquettes plutôt que de les encourager à s’épanouir en se diversifiant. Nous sommes constamment obligées de choisir entre une carrière jalonnée de succès ou une vie de famille, nous avons du mal à accepter notre sexualité et à assumer nos corps, on ne nous donne pas suffisamment de chaises autour de la table où sont prises les décisions majeures, nos besoins sanitaires passent au second plan, etc…

La liste est encore très longue. Quand j’ai remporté le titre de Miss New York, j’ai dédié cette année de Miss à œuvrer pour le changement, à entamer des discussions autour de ces sujets, ce qui m'a amené à mettre en ligne mon propre groupe média, SWAAY, une plateforme digitale visant à faire entendre la voix des femmes.

Peut-on être féministe et participer à des concours de beauté ? Ne trouvez-vous pas cela un peu contradictoire ?Non, absolument pas. Et je le dis par expérience. Les concours de Miss apportent aux femmes un moyen de renforcer leurs compétences et de se former pour être les leaders de demain. Par ailleurs, le féminisme n’est-il pas une question de liberté et d’égalité ? Les femmes sont libres de choisir et de décider si elles veulent participer à un concours de beauté ou pas.

C’est leur choix ! Toutes celles qui y participent voient en ce type de concours une formidable expérience et une opportunité de se faire entendre, et c’est bien pour ça que les féministes se battent.

Nous voulons être entendues et avoir les mêmes opportunités que les hommes. Le concours de Miss m’a apporté tout cela et bien plus encore. Plus que tout, cela m’a aidé à avoir confiance en moi-même, à avoir la force de concrétiser mes rêves, à me donner de la valeur tout en oeuvrant à la valorisation des autres. Je ne vais pas vous mentir, j’ai aussi fait partie de ceux qui pensaient que les Miss étaient superficielles et inutiles, mais quand j’ai découvert l’envers du décor, je me suis assumé et je pense aujourd’hui que c’est le concours de Miss qui a fait de moi une féministe.

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Croyez-vous en l’American dream ?Oui bien sur ! Ma vie entière et ma trajectoire professionnelle sont des preuves du rêve américain. Pour ceux qui n’y croient pas, je suis là pour affirmer que ce rêve existe. Je le vis tous les jours grâce à mes parents qui ont tout sacrifié pour leurs enfants, pour leur permettre non seulement de rêver grand mais aussi de concrétiser tous leurs rêves afin de pouvoir rêver encore plus grand.

Envisagez-vous un retour au Maroc ?J’étais au Maroc en septembre dernier pour fêter mon 30ème anniversaire. J’aimerais revenir plus souvent si toutefois je parviens à trouver des opportunités qui me permettraient de m’impliquer dans des projets.

A quoi ressemble le Maroc vu des Etats-Unis ?Et bien grâce à Instragram, tout le monde aux Etats-Unis rêve du Maroc, de ses magnifiques paysages et de son architecture traditionnelle, bien plus qu’en 2005, année durant laquelle je me suis installée là-bas.

Les célébrités sont d’ailleurs les plus grandes fans du Maroc et ont participé à en faire une destination incontournable.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 17/12/2018 à 11h50