«La préparation de nos propositions pour cette loi de finances n’a pas été chose facile. Le contexte actuel lié à la pandémie du Covid-19, tire tous les indicateurs vers le bas: déficit budgétaire, repli de la croissance, faiblesse des investissements et perte d’emploi. L’incertitude de l’évolution de cette pandémie rend l’exercice encore plus difficile». L’aveu sort de la bouche de Chakib Alj, président de la CGEM, qui a présenté à la presse, ce lundi 28 septembre à Casablanca, les propositions du patronat pour le projet de loi de finances 2021, en cours d’élaboration par le gouvernement.
Ces propositions, qualifiées d’«audacieuses» par le patron des patrons, visent à assurer la survie des entreprises encore en activité. Là est l’urgence, ont insisté les membres de la confédération. «La résilience de notre économie tient à la survie de ces acteurs que nous devons soutenir plus que jamais à travers des mesures audacieuses leur accordant un carnet de commandes stable et des aides ou des incitations leur permettant de renforcer leurs capacités productives actuelles», a souligné Alj.
Les propositions de la CGEM font également la part belle au volet social. Selon son président, «maintenir les emplois, encourager les recrutements et stimuler la demande sont au cœur de nos propositions pour cette loi de finances 2021».
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Mais à la lecture des nombreuses mesures fiscales recommandées par le patronat se pose inéluctablement la question de leur coût budgétaire. Dans un contexte où les recettes fiscales de l’Etat fondent comme neige au soleil, le gouvernement sera-t-il enclin à accorder les exonérations demandées?
Les chiffres présentés ce matin par le ministre de l’Economie et des finances au Parlement montrent à quel point la situation des ressources du Trésor est tendue. A fin août 2020, les recettes fiscales de l’Etat sont en retrait de 13,8 milliards de dirhams par rapport à la même période en 2019. D’ici la fin de l’année, le manque à gagner pour le budget en termes de recettes fiscales est estimé entre 20 et 25 milliards de dirhams.
«Nous sommes conscients que nos propositions constitueront un défi pour le budget de l’Etat», a affirmé Chakib Alj. Mais, a-t-il ajouté, «elles sont nécessaires pour que les entreprises se relèvent de cette crise. Autrement, nous risquons de les voir disparaître ainsi que les recettes fiscales qui vont avec».
«C’est un arbitrage que les pouvoirs publics doivent faire», souligne de son côté Abdelmajid Faiz, vice-président de la commission fiscalité et douane à la CGEM. «Vaut-il mieux faire un effort sur le plan budgétaire, quitte à augmenter l’endettement pour soutenir les entreprises et avoir, sur le long terme, des rentrées fiscales qui permettront de rembourser cet endettement, ou chercher à préserver au maximum les équilibres, à tout prix?», s’est-il interrogé.
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Le responsable explique qu’il faut adopter une approche dynamique pour apprécier les effets induits par les exonérations demandées et ne pas raisonner en manque à gagner immédiat. Il prend pour exemple la proposition de la CGEM d’étendre l’exonération de l’IR et des charges sociales, pendant 24 mois au minimum, pour les nouveaux recrutements, dans la limite d’une rémunération de 10.000 dirhams par mois.
«Cette incitation va encourager le recrutement de salariés, et donc du pouvoir d’achat sera injecté dans l’économie, ce qui va dynamiser la consommation et générer de la TVA et plus de recettes fiscales à terme», analyse Faiz.
Pour Hakim Marrakchi, vice-président de la CGEM et président de la commission fiscalité et douane, l’Etat ne doit pas se tromper de combat. «Il n’est pas question aujourd’hui d’avoir une orthodoxie financière et budgétaire qui ferait que le déficit serait contenu. Il y a des dépenses auxquelles l’Etat devra faire face pour maintenir un tissu social suffisamment développé et ne pas s’effondrer».
Rappelons que parmi les mesures fiscales demandées par le patronat figurent la suppression de la cotisation minimale dès 2021, la suppression des droits de douane sur les intrants destinés à intégrer les chaînes de production nationales, l’exonération de l’impôt sur le revenu au profit des salariés mis au chômage partiel à hauteur de 10.000 dirhams par mois, la baisse du taux de TVA sur certains produits, ou encore la déduction des frais de scolarité du calcul de l’impôt sur le revenu dans la limite de 1.000 dirhams par mois par enfant à charge, scolarisé dans le privé.