La lutte contre l’informel et la fraude fiscale franchit un nouveau palier. Cette mesure, inscrite dans la réforme du Code général des impôts, s’inscrit dans une stratégie assumée de l’État visant à sécuriser l’assiette fiscale sur des segments économiques historiquement marqués par une forte opacité. Selon le texte officiel publié au Bulletin officiel, l’objectif est clair: réduire les circuits de fraude, responsabiliser les acteurs structurés et assécher les zones grises qui alimentent l’économie informelle.
Le mécanisme de l’autoliquidation n’est pas nouveau dans l’arsenal fiscal. Il a déjà été appliqué à certains secteurs jugés à risque, notamment dans le bâtiment ou les prestations transfrontalières, selon une source interrogée par Le360. Mais la Loi de finances 2026 en élargit sensiblement le champ, en ciblant cette fois les filières industrielles de transformation utilisant des intrants issus de la récupération ou des déchets industriels. Concrètement, lorsqu’une entreprise assujettie achète des métaux, déchets neufs d’industrie ou autres matières de récupération auprès d’un fournisseur non assujetti à la TVA, ou exonéré sans droit à déduction, la TVA ne sera plus facturée en amont. C’est l’acheteur qui devra calculer, déclarer et reverser lui-même la taxe due. Le fournisseur, de son côté, reste hors du champ de la perception de la TVA sur cette opération.
Selon les dispositions publiées au Bulletin officiel, cette extension concerne spécifiquement les entreprises industrielles de transformation, un choix qui n’est pas anodin. D’après plusieurs notes d’analyse du projet de loi de finances, ce segment concentre une part importante des flux non tracés, notamment dans les filières des métaux, de la ferraille et des matières recyclées.
L’administration fiscale ne s’en cache pas. En recentrant l’obligation de paiement de la TVA sur les entreprises structurées et identifiées, le fisc entend contourner les défaillances liées à des fournisseurs informels ou à des opérateurs exonérés qui, dans les faits, participaient à des chaînes de valeur où la taxe disparaissait.
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Selon la même source, cette pratique permettait à certains acteurs d’afficher des prix artificiellement bas, faussant la concurrence et fragilisant les entreprises qui respectent les règles fiscales. La Direction générale des impôts, citée indirectement dans les documents d’accompagnement du PLF, estime que l’autoliquidation constitue un levier efficace pour sécuriser la collecte de la TVA, sans dépendre du niveau de conformité du fournisseur. Dans cette perspective, les synthèses techniques du projet de loi de finances 2026 présentent cette réforme comme un volet d’une stratégie plus large de modernisation du contrôle fiscal et de lutte contre les circuits opaques, en cohérence avec les orientations budgétaires et fiscales du gouvernement.
Une entrée en vigueur encadrée par le calendrier fiscal
Le texte de la Loi de finances précise que la majorité des dispositions fiscales entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2026, sauf exceptions explicitement mentionnées. Certaines exonérations ou ajustements sectoriels peuvent, selon les articles, connaître une application différée, notamment au 1er juillet 2026.
Les entreprises concernées sont ainsi appelées à se référer précisément aux articles modifiés du Code général des impôts tels que publiés au Bulletin officiel n°7465 bis, afin d’identifier les dates exactes d’application selon la nature de leurs opérations. Les analyses du projet de loi, notamment celles diffusées par des cabinets spécialisés et reprises par la presse économique, insistent sur la nécessité d’une lecture fine du texte pour éviter toute erreur de mise en conformité.
Sur le plan opérationnel, cette extension de l’autoliquidation n’est pas neutre. Pour les entreprises industrielles de transformation, elle implique une adaptation immédiate des procédures comptables et des systèmes de gestion de la TVA. La taxe devra être déclarée à la fois en tant que TVA collectée et, le cas échéant, en TVA déductible, selon le régime fiscal de l’entreprise. Toutefois, cette mécanique peut générer des tensions de trésorerie, notamment pour les entreprises dont le droit à déduction n’est pas intégral ou immédiat, indiquent plusieurs analyses. Elle impose également un renforcement du contrôle documentaire, les entreprises devant être en mesure de justifier le statut fiscal de leurs fournisseurs et la nature exacte des biens achetés.
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Au-delà de son impact technique, la mesure revêt une portée symbolique forte, car en ciblant explicitement les filières des déchets industriels et des métaux, la Loi de finances 2026 envoie un message aux acteurs de ces secteurs: les marges de tolérance se réduisent et la traçabilité devient une exigence incontournable.
D’après la source, ces filières figurent parmi les plus exposées aux pratiques informelles, en raison de la multiplicité des intermédiaires et de la difficulté à tracer l’origine des produits. L’autoliquidation apparaît ainsi comme un outil de régulation visant à rétablir des conditions de concurrence plus équitables.
La réforme de l’autoliquidation s’inscrit enfin dans un cadre plus large de renforcement des pouvoirs de l’administration fiscale. Le Bulletin officiel rappelle que la Loi de finances 2026 introduit ou consolide plusieurs dispositifs de contrôle et de modernisation des outils de surveillance fiscale. Selon les documents budgétaires accompagnant le texte, l’administration entend s’appuyer davantage sur le croisement des données, la digitalisation des déclarations et une meilleure exploitation des informations comptables pour détecter les anomalies. Les secteurs nouvellement intégrés au régime d’autoliquidation devraient, de ce fait, faire l’objet d’une attention particulière lors des contrôles fiscaux à venir.







