Alors que le prix du gaz butane est passé de 550 dollars à plus de 1.000 dollars depuis le début de l’année, le gouvernement devra mobiliser plus de 10 milliards de dirhams supplémentaires en 2022 pour maintenir le prix de la bonbonne à 40 dirhams, a récemment expliqué, le ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances, chargé du Budget, Fouzi Lekjaa.
En parallèle, pour subventionner l’importation du blé et maintenir stable le prix de la farine face à la flambée des cours de cette céréale sur le marché international, l’exécutif devra débourser plus de 3 milliards de dirhams additionnels au budget prévu cette année, a-t-il détaillé.
Deux milliards de dirhams supplémentaires devront également être mobilisés dans le cadre du plan d’urgence mis en place pour soutenir le secteur touristique ébranlé par les effets de la crise sanitaire, a également précisé Fouzi Lekjaa. S’ajoute à cela le soutien que devra apporter le gouvernement au secteur du transport, lourdement impacté par la hausse des prix des carburants, mais qui n’a pas encore été chiffré par l’exécutif.
Ce sont ainsi au moins 15 milliards de dirhams supplémentaires au budget voté dans le cadre de la loi de finance 2022 qui devront être mobilisés cette année pour préserver le pouvoir d’achat des ménages. Mais comment le gouvernement compte-t-il financer tout cela?
Si Fouzi Lekjaa n’a pas donné plus de détails quant à la stratégie prévue par le gouvernement pour lever ces 15 milliards de dirhams, il a néanmoins exclu les deux options les plus évidentes prévues dans le cadre de la loi de finances, à savoir le gel d'une partie des investissements programmés et le recours à une Loi de finances rectificative.
«Nous sommes devant deux possibilités: la plus facile, comme permis par la loi, serait de supprimer 14% des dépenses d’investissement, pour économiser 15 milliards de dirhams. La deuxième possibilité est d’aller vers une loi de finances rectificative. A mon avis, la solution ne réside ni dans l’une ni dans l’autre», a ainsi expliqué Fouzi Lekjaa. Alors comment résoudre cette équation?
Contacté par Le360, l’économiste Yasser Tamsamani explique que peu d’alternatives se profilent à l'horizon pour financer les besoins de compensation cette année. Pour mobiliser les 15 milliards de dirhams, il estime ainsi qu’il est possible de ne pas geler les investissements, mais plutôt d'opter pour les ralentir afin de garder des marges de manœuvre sur le budget.
«Historiquement, entre le budget d’investissement programmé et ce qui est effectivement réalisé sur une année, il y a toujours eu un décalage qui n’est pas négligeable, qui s’élève à près de 2% du PIB, soit environ 22 milliards de dirhams», note Yasser Tamsamani.
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L’autre option pour mobiliser 15 milliards de dirhams supplémentaires est le creusement du déficit à travers le recours à l’endettement public. «15 milliards de dirhams, ce n’est pas énorme pour le Trésor. Ce montant peut tout à fait être levé sur le marché interne», souligne cet économiste.
Tamsamani explique, par ailleurs, que le Maroc peut se permettre de creuser son déficit budgétaire d’autant plus que les organismes internationaux, à l’image du Fonds monétaire international (FMI), encouragent depuis le déclenchement de la crise économique à mobiliser l’outil budgétaire, donc le creusement du déficit pour faire face à la conjoncture.
Une lecture partagée par Abdelghani Youmni, docteur en économie et management public qui précise que «le gouvernement ne voudrait pas passer une nouvelle fois par une Loi de finances rectificative, pour montrer sa résilience, mais surtout parce que le temps presse et qu’il faut mobiliser rapidement des ressources pour financer les effets de la crise internationale».
«Les investissements publics ont un effet strcturant sur l'économie, surtout durant cette conjoncture exceptionnelle. Enlever 14% des 108 milliards de dirhams d'investissement prévus retardera la réalisation de beaucoup d’infrastructures, empêchera la création d’emplois et ralentira la croissance», souligne cet économiste.
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Le recours à l’endettement demeure cependant une solution à court terme à laquelle il faudra adjoindre d'autres réformes de fond pour empêcher la fragilisation du pouvoir d’achat des ménages si la conjoncture internationale venait à durer.
«L'endettement reste bien évidemment une mesure palliative, on ne traite pas vraiment le fond du problème. On ne sait pas si la flambée des cours internationaux va durer sur le long terme ou pas», estime Yasser Tamsamani, notant que pour faire face à la flambée des cours de pétrole, il serait judicieux de mettre en place une instance de régulation adaptée qui pourra porter un regard sur les marges réalisées par les distributeurs et veiller à les réguler.
«Partout dans le monde, le marché des hydrocarbures est un marché oligopolistique, la concurrence n’est pas possible sur ce type de marchés qui doivent être régulés à travers des instances dédiées comme c’est le cas pour les télécoms et la distribution d’électricité», détaille-t-il.
Pour Abdelghani Youmni, mettre en place une fiscalité flottante pour les hydrocarbures pourrait également permettre d’anticiper les fluctuations des cours internationaux et d’absorber l’impact de la flambée des prix sur le pouvoir d’achat des ménages et l’inflation.
«Nous pouvons exceptionnellement baisser la TVA quand le cours du baril de pétrole flambe, tout en régulant les marges réalisées par les distributeurs, ça permettrait d’avoir une baisse des prix à la pompe équivalant à une aide vers les ménages et les transporteurs, tout en maintenant maîtrisée l’inflation», conclut-il.