Présidée par le chef du gouvernement, vendredi 10 juillet, la première réunion du nouveau round du dialogue social n’a pas débouché sur une décision déterminante. Il faut dire que les questions sensibles posées sur la table des négociations (augmentation du SMIG, maintien de l’indemnité chômage, licenciements économiques) exigent plus qu’une seule réunion, le temps de laisser mûrir le consensus entre les différents partenaires sociaux.
La réunion du 10 juillet a eu au moins le mérite de rapprocher la CGEM et les centrales syndicales autour d’un constat évident, celui de la gravité de la situation économique et sociale au Maroc, en lien avec les conséquences de la crise sanitaire du Covid-19.
Le président de la commission sociale de la CGEM, Hicham Zouanat, a laissé de côté les enquêtes menées par la confédération patronale, et s’est contenté d’exposer l’état des lieux dressé par le HCP dans sa dernière note de conjoncture. Alors que plus de 950.000 employés étaient déclarés en situation de chômage partiel au début de la crise, seulement 600.000 salariés ont bénéficié de l’indemnité chômage au titre du mois de juin, a-t-il relevé.
Autrement dit, environ 350.000 salariés ont cessé de recevoir l’aide du Fonds Covid-19, soit parce que leurs entreprises ont pu reprendre le cours normal de l’activité, soit du fait que celles-ci ne sont plus éligibles au Fonds spécial (notamment lorsque la baisse du chiffre d’affaires induite par la crise est inférieure à 25%).
«Nous avons demandé le maintien de l’indemnité Covid-19 pour trois mois supplémentaires, au profit des salariés des entreprises toujours touchées par la crise», affirme Zouanat, plaidant pour une nouvelle définition des secteurs impactés par le Covid-19 et, par conséquent, une nouvelle conception des critères d’éligibilité à l’indemnité chômage. «La durée de prorogation de l’indemnité pourrait varier d’un secteur à l’autre en fonction de la gravité de la situation», explique le représentant du patronat, en rappelant que la décision finale revient au Comité de veille économique (CVE).
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Autre question cruciale dans ce nouveau round du dialogue social, celle se rapportant à l’application de la deuxième tranche de l’augmentation du SMIG, programmée pour fin juillet, conformément à l’accord conclu le 25 avril 2019 dans le cadre du dialogue social. Là encore, la CGEM persiste et signe, demandant le report de cette mesure.
Mais pourrait-on renoncer à une décision actée par un décret déjà publié au Bulletin officiel? «Il y a eu des précédents», répond le président de la commission sociale de la CGEM, en se référant au report de l’augmentation du SMIG dont a bénéficié, à plusieurs reprises, le secteur du textile (2008-2011-2014). «Nous ne remettons pas en cause le décret. Nous assumons notre engagement et allons certainement le respecter. Nous demandons juste de tenir compte de cette conjoncture de crise exceptionnelle. Les entreprises n’ont pas de quoi payer les salaires», nuance Zouanat.
Sur la question du SMIG précisément, le gouvernement est appelé à trancher le plus tôt possible, avant le 26 juillet, soit le délai requis pour traiter la paie du mois de juillet (surtout que celle-ci coïncide avec l’Aïd El Kebir). Là encore, il n’est pas exclu que le gouvernement exempte certains secteurs de cette deuxième tranche d’augmentation, comme cela fut le cas pour le secteur textile quelques années auparavant.
«On ne peut pas demander aux entreprises de préserver les emplois et en même temps, les obliger à augmenter le SMIG alors que certains secteurs peinent à redémarrer, comme le tourisme, les équipementiers automobiles, etc.». Le point de vue de la CGEM est justifié par les perspectives moroses de l’économie marocaine, ne serait-ce qu’à très court terme: le HCP table sur une contraction du PIB de l’ordre de 4,6% au troisième trimestre. «Sur les 5 millions de MRE, seuls 400.000 pourraient rentrer cet été au Maroc dans le cadre des vols spéciaux accompagnant la réouverture partielle des frontières», ajoute Zounat pour illustrer le manque à gagner lié à cette conjoncture inédite.
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Par ailleurs, interrogé sur la question de savoir si les entreprises seraient tentées de solliciter l’appui du gouvernement, à travers les gouverneurs rattachés au ministère de l’Intérieur, pour fluidifier le traitement des demandes de licenciements économiques, lesquels devraient s’intensifier sous l’effet de la crise sanitaire, Zouanat affirme que la CGEM demande ni plus ni moins l’application du Code du travail. Le recours à cette procédure permet aux entreprises de réduire le coût du licenciement. Très peu de gouverneurs accordent le feu vert aux licenciements économiques pour des considérations purement sociales.
«Nous encourageons les secteurs qui peuvent éviter de licencier. Mais parfois, il vaut mieux accepter le licenciement de 10% des effectifs au lieu d’être contraint de fermer définitivement l’entreprise», note Zouanat. Et d’ajouter: «En France, pas moins de 9 millions de salariés ont eu droit à une indemnité chômage, financée à 100% par l’Etat, ce qui n’a pas empêché les entreprises de lancer des plans sociaux».
Pour atténuer le phénomène de chômage qui risque de s’intensifier dans les semaines à venir, le patronat propose de réfléchir à des mesures de réorientation professionnelle, en misant sur les opportunités offertes par un certain nombre de secteurs (économie verte, économie bleue, offshoring, etc.), incitant le gouvernement à prévoir des dispositifs de formations spécifiques pendant cette période de crise.
Après le round du 10 juillet, une deuxième réunion du dialogue social est prévue au cours de cette semaine. Le chef du gouvernement viendra cette fois-ci avec des propositions concrètes. A défaut de rapprocher les points de vue des entreprises et des syndicats, il devra trancher et prendre les décisions qu’il jugera utiles pour sortir de la crise avec le minimum de dégâts.