Lors de la dernière Assemblée générale extraordinaire de la Samir, où Cheikh Al Amoudi avait privilégié la politique de la chaise vide, l’actionnaire majoritaire de la raffinerie avait annoncé son intention d'augmenter le capital de la société d’un montant de 10 milliards de dirhams pour renflouer les caisses et permettre la reprise de la production.
Et comme gage de sa bonne volonté, l’actionnaire avait promis de réaliser seul cette opération, au cas où les autres actionnaires, qui détiennent 32,73% du capital - Groupe Holmarcom et autres actionnaires minoritaires –, ne voudraient pas souscrire à cette augmentation de capital.
A la date du 16 novembre, soit un mois après l’Assemblée générale extraordinaire, aucun rond n’a été injecté jusqu'ici dans le capital de la société. Ce qui n’est pas pour autant une surprise. Rares en effet sont ceux qui tablaient sur l’apport de fonds de la part du Saoudien.
Comme ce fut le cas depuis des années, Al Amoudi est un habitué du jeu de la montre et du chantage. Ayant acquis la raffinerie lors d’une privatisation réalisée en 1997, tout en n’étant pas le mieux disant financièrement, il avait joué aussi la montre en ajournant la date de modernisation de la société à maintes reprises, tout en continuant de bénéficier du bouclier sur les importations de produits pétroliers. Et ce n’est qu’en 2012 que cette barrière a été levée.
En contrepartie, la Samir a bénéficié aussi de la possibilité, en plus de son rôle de producteur, d’être aussi distributeur au grand dam des membres du groupement des pétroliers du Maroc.
Cour d’arbitrage
Seulement; cette fois-ci, en plus du non respect des engagements relatifs à l’augmentation du capital de la société, Al Amoudi est allé un peu plus loin et semble clairement afficher ses intentions réelles. Entre la recapitalisation, synonyme du redémarrage de l’outil industriel, et la faillite, le milliardaire semble avoir fait le choix de la seconde option.
Sinon, comment expliquer le non respect d’un engagement pris en Assemblée générale extraordinaire et surtout pourquoi cette intention de recourir à la Cour d’arbitrage internationale contre l’Etat marocain, comme l’a révélée notre confrère hespress.com, avec des arguments légers : rupture de dialogue, refus des autorités marocaines de laisser accoster un navire chargé de pétrole brut kurdo-irakien, etc.
Une telle initiative, si elle se confirmait, ce qui semble être le cas au moment où certains responsables marocains parlent de «fuite en avant», risquerait de donner un coup définitif à l’aventure du milliardaire saoudien au Maroc. Et pour cause, l’Etat ne peut et ne doit pas laisser la situation de pourrissement de la Samir se poursuivre.
Ce sont quelque 1200 emplois qu’il faut sauver et c’est aussi un outil industriel important à maintenir en vie, même si la situation actuelle montre que la Samir n’est plus aussi stratégique qu’auparavant.
En effet, malgré l’arrêt du raffinage, le marché reste bien approvisionné par les importateurs qui ont beaucoup investi dans les capacités de stockage au cours de ces dernières années. C’est peut-être la raison principale qui pousse Al Amoudi à vouloir se débarrasser de la raffinerie après avoir accusé des pertes cumulées de 3 milliards de dirhams sur les trois dernières années.
D’ailleurs, il avait tenté d’attirer des fonds d’investissement dans le capital de la société, mais sans succès. Ainsi, en optant pour le clash avec les autorités marocaines, il met presque définitivement une croix sur la recapitalisation de la Samir. A moins que ce ne soit, une fois de plus, une tentative de faire plier l’Etat marocain à ses exigences.
Quels scénarii ?
Le bras de fer entre l’Etat marocain et Al Amoudi ayant atteint son paroxysme, l’heure est désormais aux scénarii post Al Amoudi. Dans ce registre, il sera presque impossible de trouver un repreneur de l’outil à l’international au moment où les cours du pétrole sont au plus bas et les marges serrées. En Europe, l’heure est d’ailleurs à la fermeture de raffineries.
Du coup, la solution la plus plausible pour préserver l’outil reste une solution locale qui ne pourra se faire qu’avec la participation de l’Etat, créancier de la Samir via ses établissements (douane notamment) à hauteur de 13 milliards de dirhams.
Quid des banques locales dont l’encours des créances vis-à-vis de la Samir s’élève à plus de 9 milliards de dirhams ? Des montants qui pèsent lourds dans la balance d’une raffinerie dont le capital social s’élève à 1189,97 MDH pour une capitalisation boursière tombée à seulement 1520,78 MDH. Va-t-on alors vers une re-nationalisation de l’outil ?
La question mérite d’être posée au moment où des créanciers étrangers, comme BNP Paribas, commencent à montrer leur impatience.