Retraites: le gouvernement face à l’urgence

Les sièges de la CNSS, la CMR et le RCAR.

Revue de presseÀ quelques mois des élections législatives, le gouvernement marocain doit accélérer la réforme des retraites pour préserver la viabilité des caisses publiques et privées. Entre déficit des régimes, pression démographique et revendications sociales, chaque décision pèsera lourdement sur l’avenir économique et politique du pays. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien L’Economiste.

Le 02/12/2025 à 20h12

À quelques jours d’un nouveau round de discussions prévu mercredi 17 décembre, la réforme des retraites refait surface au cœur de l’actualité, rattrapant le gouvernement alors que le calendrier politique se resserre inexorablement. Le chantier n’admet plus de délais: certaines caisses, à commencer par la Caisse marocaine des retraites (CMR), approchent de leurs limites. À quelques mois des élections législatives, l’exécutif se voit contraint d’accélérer le traitement de ce dossier sensible, avec pour ambition d’aboutir à un scénario stabilisé dès le printemps 2026.

La tâche est complexe, relève le quotidien dans son édition du mercredi 3 décembre: il s’agit de concilier viabilité financière, revendications syndicales et nécessité de bâtir un système de retraite capable de résister aux pressions démographiques des décennies à venir. Chaque décision, ou absence de décision, pèsera lourdement sur le plan économique, social et politique.

Le gouvernement avance pourtant avec un schéma clair: instaurer un système à deux pôles, public et privé, organiser une transition progressive et protéger les droits acquis tout en définissant un socle paramétrique crédible. Mais derrière cette architecture se cache une réalité financière lourde. «La CMR, pilier du pôle public, affiche un déficit technique préoccupant: plus de 7,4 milliards de dirhams pour le régime des pensions civiles en 2024 et 1,8 milliard pour le régime militaire. Le régime civil est déjà dans une zone critique, avec des réserves susceptibles de s’épuiser dès 2031 si aucune réforme n’est engagée. La soutenabilité n’est plus un enjeu lointain, mais une alerte immédiate, imposant des arbitrages rapides», note l’Economiste du 3 décembre.

Face à cette pression, la réforme paramétrique devient incontournable. L’âge légal de départ à la retraite est au cœur des discussions. Le régime des fonctionnaires est passé progressivement à 63 ans, tandis que le RCAR, couvrant une large part des personnels des établissements publics, n’est pas encore aligné. «La question se pose désormais de savoir si l’exécutif osera porter l’âge légal à 65 ans, au risque de raviver des tensions sociales dans un contexte électoral délicat», écrit L’Economiste.

L’unification du paysage des retraites en deux pôles nécessite une transition soignée. Les droits acquis doivent être préservés, les modes de calcul harmonisés et les règles convergentes, sans rupture brutale. Les syndicats réclament plus de temps pour analyser la situation réelle des caisses, tandis que le gouvernement avance sur une ligne étroite.

Laisser la situation se dégrader est impensable, mais conduire une réforme sensible à quelques mois des législatives comporte un coût politique élevé. La réussite de l’opération exige à la fois pédagogie, préparation technique et consensus suffisant pour garantir la stabilité du futur système. Dans un contexte de confiance sociale fragile, et alors que la réforme de la protection sociale mobilise déjà des ressources budgétaires importantes, l’exercice demande un équilibre délicat entre détermination et prudence.

La situation du RCAR illustre cette fragilité. Selon le dernier Rapport annuel sur la stabilité financière de 2024, le régime général du RCAR a vu ses cotisations progresser de 6,9% sous l’effet des revalorisations salariales issues du dialogue social, atteignant 3,5 milliards de dirhams. Les prestations ont suivi, augmentant de 5,4% à 8,1 milliards. «Le déficit technique s’est légèrement aggravé, passant de 4,4 à 4,5 milliards, mais grâce à une performance financière de 5,9 milliards, le régime affiche un excédent global de 1,2 milliard, contre un déficit de 317 millions en 2023», souligne L’Economiste. Cette embellie ponctuelle ne masque pas les fragilités structurelles : les revalorisations salariales prolongent légèrement l’horizon de viabilité, mais la sous-tarification historique du régime pèse déjà sur son équilibre à long terme.

Outre l’âge, d’autres leviers paramétriques sont à l’étude, tels que l’augmentation des taux de cotisation ou la révision des modalités de calcul des pensions. Sur le plan technique, le gouvernement dispose de marges de manœuvre, mais chaque mesure rencontre une sensibilité sociale aiguë. Les syndicats craignent qu’un effort disproportionné ne pèse sur les actifs, dans un marché du travail marqué par le chômage des jeunes et des salaires modestes. Pour certains, les caisses doivent être rééquilibrées sans transférer l’essentiel du coût sur les travailleurs.

Dans le secteur privé, la CNSS connaît une situation moins critique mais reste fragile. L’assouplissement récent des conditions d’accès à la pension, avec l’ouverture du droit dès 1 320 jours de cotisation, élargit l’affiliation mais alourdit les engagements futurs. Le Rapport annuel sur la stabilité financière souligne la nécessité de préserver la viabilité du régime, en révisant le taux de cotisation, en relevant l’âge de départ à la retraite et en adaptant le mécanisme d’acquisition des droits afin d’assurer l’équité entre affiliés.

Par La Rédaction
Le 02/12/2025 à 20h12