Réforme du HCP: la lourde tâche de Chakib Benmoussa

Le siège du Haut-commissariat au plan, à Rabat. Adil_Gadrouz

Chakib Benmoussa, nouveau patron du HCP, aura la lourde tâche de réformer l’institution en charge de la statistique officielle au Maroc. Les défaillances sont nombreuses mais les pistes de la réforme sont déjà esquissées. L’économiste Nabil Adel nous apporte son éclairage.

Le 30/10/2024 à 14h01

L’heure de la réforme a-t-elle sonné pour le Haut-commissariat au Plan (HCP)? La route semble désormais balisée avec la nomination de Chakib Benmoussa à la tête de l’institution chargée de produire l’information statistique économique, démographique et sociale au Maroc. Et ce, en remplacement d’Ahmed Lahlimi qui a dirigé le HCP pendant plus de 20 ans.

Cette réforme est attendue depuis plus de trois ans, puisque le roi Mohammed VI avait appelé, le 8 octobre 2021, à l’occasion de son discours d’ouverture de la session d’automne du Parlement à «une refonte substantielle du Haut-commissariat au Plan dans la perspective d’en faire un mécanisme d’aide à la coordination stratégique des politiques de développement et d’accompagnement de la mise en œuvre du modèle de développement».

Le Nouveau modèle de développement (NMD), piloté justement par Chakib Benmoussa et dont le rapport a été publié au printemps 2021, avait soulevé la nécessité de cette réforme. Il avait surtout appelé au renforcement et à la modernisation de l’outil statistique national «qui doit être en mesure de mettre à disposition du public toute l’information dont il dispose, dans des délais courts après leur collecte et dans des formats exploitables».

Dans un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) présenté en septembre 2024 à Rabat devant les officiels marocains, il est noté que le manque de statistiques et de données exhaustives, au temps opportun et de qualité constitue un obstacle majeur à l’efficacité de l’élaboration des politiques publiques au Maroc.

De gros moyens pour un résultat médiocre

Interrogé à ce sujet par Le360, l’économiste Nabil Adel affirme qu’il est temps de réformer le HCP. Pour lui, l’ancien haut-commissaire au Plan n’a rien entrepris pour moderniser cette institution. Ce qui fait que, déplore-t-il, le principal producteur de la statistique officielle au Maroc qui engloutit un budget conséquent se contente du service minimum.

À noter que le budget alloué par le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 au HCP s’élève à 617,77 millions de dirhams (MDH), dont 594,16 MDH pour le personnel, ainsi que pour le matériel et les dépenses diverses et 23,61 MDH pour l’investissement. 60 postes budgétaires lui seront affectés.

Or, notre interlocuteur, qui a esquissé un tableau peu reluisant de cette institution, évalue le coût de sa production actuelle à quelques dizaines de millions de dirhams. En effet, explique-t-il, la production statistique du HCP, dont les méthodes de travail et les modules sont dépassés, est faible aussi bien en quantité qu’en qualité, tant sur le fond que sur la forme.

Elle ne porte, en fait, précise-t-il, que sur quelques domaines, tels que la croissance économique, le marché du travail ou l’inflation. Les publications du HCP, ajoute-t-il, sont pauvres en détails, présentées en formats inadaptés et obsolètes comme des documents Word et manquent d’actualisation.

La réforme devra donc passer par là. Ce qui sous-entend que le HCP doit d’abord se moderniser et actualiser ses modules, en s’appuyant davantage sur la technologie, insiste notre interlocuteur. Il devra aussi, poursuit-il, déployer des équipes dans toutes les régions du pays.

L’information fournie doit être variée, dense et actualisée

L’objectif étant d’être en mesure d’améliorer sa production à tous les niveaux, note-t-il. Il appelle ainsi le HCP à élargir son périmètre d’action pour couvrir tous les domaines. «Tout le monde doit y trouver son compte», souligne Nabil Adel. Par exemple, illustre-t-il, un industriel qui veut se renseigner sur les prix des intrants doit être servi avec des données fournies en temps réel.

L’information fournie par le HCP doit aussi être aussi suffisamment à jour, avec un bon niveau de granularité et d’une «richesse considérable», selon cet économiste.

Pour ce faire, recommande-t-il, l’institution doit être à la veille des bonnes pratiques à travers l’organisation de colloques pour permettre des échanges d’expériences dans son domaine d’action. De même, conclut-il, elle doit s’ouvrir au public et aux chercheurs. Autant dire que la tâche ne sera donc pas de tout repos pour le nouveau patron du HCP.

Par Lahcen Oudoud
Le 30/10/2024 à 14h01