Le groupe Saham, fondé et dirigé par Moulay Hafid Elalmy (MHE) est entré en négociations avec Société Générale (SG) en vue de prendre le contrôle de sa filiale marocaine, Société Générale Maroc. L’information a fait le tour des médias et continue de susciter des interrogations. Dans le milieu de la finance, la surprise est générale. Si tout le monde pensait que MHE finirait par s’offrir une banque, le retrait de SG était pour le moins inattendu. «Le groupe français a toujours su garder de l’appétit pour ses participations au Maroc», note l’économiste Mehdi El Fakir, tout en rappelant le deal conclu en 2007 et avorté à la dernière minute, dans lequel la moitié du capital de la filiale «La Marocaine Vie» allait être cédée à la Banque Centrale Populaire alors dirigée par Noureddine Elomary.
«Contrairement aux autres banques affiliées aux groupes français, nous n’avons jamais senti que la SG serait sur le départ ou avait l’intention de se désengager du marché marocain», ajoute Mehdi El Fakir. Selon lui, les conditions qui ont poussé SG à se retirer de certains marchés africains (Mauritanie, Congo, Tchad, Guinée équatoriale, Burkina Faso, Mozambique) ne sont pas du tout réunies s’agissant de sa filiale marocaine. SG Maroc jouit d’une position confortable sur le marché, affichant souvent des performances à deux chiffres, qui placent la banque au quatrième rang national, juste après les mastodontes Attijariwafa bank, Banque Centrale Populaire et Bank of Africa.
«C’est une banque universelle par excellence, forte d’une clientèle assez diversifiée: entreprises, investisseurs, institutionnels, particuliers, etc. Elle a surtout développé un savoir-faire particulier dans le créneau de la finance de marché, en bénéficiant de l’appui de son actionnaire de référence», note Mehdi El Fakir.
SG Maroc est connue aussi pour son attrait auprès de certaines grandes fortunes du pays, à travers sa banque privée, souligne ce gestionnaire de patrimoine, citant le cas de feu Miloud Chaabi et l’ancien député Abdenbi Bioui.
Sinistralité élevée
À l’instar des banques adossées à des groupes étrangers, SG Maroc adopte une politique prudente en matière de provisionnement et d’octroi des crédits. Elle affiche un taux de sinistralité de 16%, soit le niveau le plus élevé au niveau national. «Cela est dû en partie aux politiques de classification plus strictes et à la reconnaissance prudente des prêts douteux par la banque», explique l’agence Fitch, qui accorde à la banque la meilleure notation nationale à long terme, soit AAA, avec une perspective stable. Dans sa dernière évaluation, publiée en janvier, l’agence de notation américaine s’est appuyée sur «la forte capacité de l’actionnaire de référence, SG, à fournir un soutien à la banque».
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Si SG Maroc dispose d’une part de marché relativement modeste au Maroc (8,1% concernant les crédits et 6,2% du côté des dépôts), elle est la plus grande filiale africaine de SG et «se positionne comme une plateforme pour le développement et le déploiement de produits et services bancaires à travers le continent», estime Fitch dans son rapport.
«SG Maroc n’a jamais eu besoin d’un soutien exceptionnel de la part de SG. Cependant, les exemples de soutien ordinaire de SG comprennent la fourniture de contre-garanties et de financements en devises, lorsque cela est nécessaire», note la même source, ajoutant qu’«une dégradation de la notation nationale de SGMB pourrait résulter d’une propension réduite du groupe SG à soutenir SGMB, une situation que nous considérons comme peu probable à l’heure actuelle».
Unique banque marocaine non cotée à la Bourse de Casablanca, SG Maroc a toujours su garder un équilibre dans sa structure capitalistique entre, d’une part, un actionnariat local et, d’autre part, un actionnariat étranger représenté par le groupe SG, souligne Mehdi El Fakir.
Pour l’heure, on ignore encore la nouvelle configuration qui pourrait découler du deal en cours avec le groupe Saham. L’on ne sait pas encore si la cession va porter sur toutes les filiales de SG Maroc, voire si elle va s’étendre à d’autres actifs de SG en Afrique, ou si elle va se limiter à quelques participations. Pour l’économiste, «cela dépendra de deux choses. Un, la stratégie de SG sera déterminante. Deux, c’est un sujet de négociation entre les deux parties.» Il reste donc à savoir si MHE serait prêt à acquérir en bloc tous les actifs de SG au Maroc, voire en Afrique?