Sans les révolutionner, l’éventuelle arrivée de la néobanque britannique Revolut va bousculer bien des usages bancaires dans le Royaume. Le constat est du magazine Jeune Afrique. Début août, Bank Al-Maghrib a rencontré les dirigeants de la société fondée par Nikolay Storonsky et Vlad Yatsenko en 2015, célèbre pour ses frais et commissions très réduits. «Le Maroc est un marché que nous évaluons et que nous considérons comme attractif, avec le potentiel d’offrir une proposition de services unique à nos clients», indique la fintech britannique.
Une source autorisée de la Banque centrale, cité par le magazine, précise que «les échanges ont porté sur les spécificités de l’écosystème financier marocain, l’offre bancaire existante et les besoins éventuels en termes de services susceptibles de répondre à des segments de marché spécifiques».
Revolut, valorisée à 65 millions de dollars en juillet et considérée comme la fintech la plus prometteuse d’Europe, pourrait représenter une bouffée d’air pour les consommateurs du Royaume. Cité par Jeune Afrique, Ouadi Madih, président de la Fédération nationale des associations du consommateur (Fnac) explique que l’arrivée de cet acteur pourrait inciter à une baisse des frais bancaires, aujourd’hui jugés exorbitants. «Entre les frais de tenue de compte, les cartes bancaires, les commissions sur les retraits hors réseau ou les virements internationaux, les usagers peuvent payer entre 1.000 et 2.000 dirhams par an», a-t-il expliqué.
Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) pourraient, eux aussi, bénéficier de cette arrivée. En 2024, plus de 117 milliards de dirhams ont été envoyés dans le Royaume par cette communauté, souvent amputés de frais élevés et soumis à des minimums forfaitaires.
Le modèle commercial de Revolut repose sur le freemium, soit un service de base gratuit, puis l’offre de services complémentaires payants, explique Jeune Afrique. Cette stratégie pourrait s’inscrire dans les objectifs des régulateurs marocains, qui souhaitent à la fois augmenter le taux de bancarisation (54% en 2024) et accélérer la digitalisation des paiements.
Le Conseil de la concurrence a récemment rappelé que le prélèvement de frais sur les paiements électroniques était interdit, estimant que «ces frais sont injustifiés, accordent des avantages indus aux acteurs concernés et compromettent la libre concurrence sur les marchés, ainsi que les efforts de digitalisation de l’État». Pourtant, la marge sur commissions reste une source de revenus importante pour les banques locales, représentant près de 10 milliards de dirhams en 2024, soit 14% du produit net bancaire.
Les principaux acteurs du secteur n’ont pas souhaité commenter cette possible arrivée. L’implantation de Revolut dans le Royaume pourrait se heurter à des obstacles réglementaires rapporte Jeune Afrique. La loi 31-08 sur la protection du consommateur offre un droit de rétractation et des protections contre la fraude, mais ne prévoit pas explicitement de mécanisme de rétro-facturation pour contester un paiement frauduleux par carte bancaire, une norme déjà établie en Europe et aux États-Unis. Par ailleurs, la loi 09-08 sur la protection des données personnelles, datant de 2009, montre ses limites, notamment sur la notification des violations de données et l’absence de mesures extraterritoriales.
Également cité par Jeune Afrique, Yasser Elkouri, doctorant, souligne que «les systèmes d’intelligence artificielle entrent souvent en conflit avec les principes de la loi 09-08, créant des tensions entre innovation technologique et protection des droits individuels».








