Pourquoi les ventes de produits dérivés du cannabis peinent à décoller en pharmacies

Une pharmacie. (Photo d'illustration)

Un mois et 21 jours après l’autorisation de leur commercialisation en pharmacies, les ventes de produits dérivés du cannabis, notamment des compléments alimentaires et des produits cosmétiques, peinent toujours à décoller. Voici ce qui explique une demande encore si faible, selon les pharmaciens.

Le 22/07/2024 à 18h42

Après plus de cinquante jours depuis leur introduction en pharmacies, les produits dérivés du cannabis, des compléments alimentaires aux cosmétiques, n’ont pas rencontré le succès escompté. «Pas de rush, pas d’enthousiasme», résume Oualid Amri, pharmacien à Casablanca, pour décrire ce démarrage timide.

Plusieurs barrières freinent l’expansion du marché des dérivés de cannabis. Les professionnels de santé eux-mêmes, comme Oualid Amri, pointent du doigt un manque crucial d’information et de formation, rendant difficile l’adoption de ces produits par les pharmaciens et leurs clients. De surcroît, les prix élevés, et la persistance de stigmates autour du cannabis contribuent à limiter l’attrait pour ces nouveautés.

«Le manque d’information adéquate a sérieusement compromis le démarrage de la vente de produits dérivés du cannabis en pharmacie, entraînant des performances en deçà des attentes. Nombreux sont les pharmaciens qui hésitent à proposer ces produits, faute de détails suffisants pour garantir un conseil précis et sécurisé. En outre, les produits à base de cannabidiol (CBD), bien qu’autorisés, requièrent une attention particulière due à d’éventuelles interactions médicamenteuses et à des effets secondaires notables, rendant leur gestion délicate, surtout pour des populations sensibles comme les femmes enceintes et les personnes avec des troubles cardiovasculaires», fait observer Oualid Amri.

L’intégration de ces nouveaux produits dans l’offre habituelle des pharmacies n’est pas aussi fluide qu’espérée. «Sans une formation adéquate, nous, les pharmaciens, trouvons difficile de fournir des conseils efficaces à nos clients sur les produits dérivés du cannabis. Cette insuffisance dans notre préparation affecte notre capacité à expliquer les avantages et les risques associés à ces produits, ce qui, sans aucun doute, freine leur vente. Il est donc primordial d’améliorer la formation offerte aux professionnels de santé pour garantir une diffusion adéquate de l’information. Cela permettrait non seulement de rassurer les clients, mais aussi de stimuler les ventes, qui pourraient alors véritablement décoller», confie une pharmacienne à Aïn Sebaâ.

Des prix jugés «exorbitants»

La perception du cannabis par le grand public affecte aussi sa commercialisation. «Malgré la légalisation pour des usages médicaux et bien-être, les produits à base de cannabidiol (CBD) continuent de souffrir d’une image négative, en grande partie due à des associations persistantes avec des substances illicites et à une compréhension limitée de leurs bénéfices thérapeutiques par le grand public. Cette perception défavorable reste un obstacle majeur à leur acceptation généralisée et limite leur intégration dans les routines de soins de santé conventionnelles», fait savoir notre interlocutrice.

Le coût des produits vendus en est également pour quelque chose, explique un troisième pharmacien à Casablanca. «Le coût élevé des produits à base de CBD vendus en pharmacie joue un rôle significatif dans la réticence des consommateurs à les adopter. En effet, les prix de ces produits sont souvent perçus comme prohibitifs par de nombreux consommateurs, particulièrement dans un contexte où la sensibilisation et la compréhension de leurs bénéfices thérapeutiques restent limitées (...) Tant que les prix resteront élevés (à partir de 150 dirhams) et que l’information sur les avantages concrets du CBD ne sera pas plus largement diffusée et acceptée, il sera difficile de voir une augmentation de leurs ventes», note-t-il.

«Il est primordial que ces produits restent disponibles exclusivement en pharmacie. Nous sommes les plus qualifiés pour assurer un suivi et éviter toute utilisation inappropriée qui pourrait dériver vers des pratiques dangereuses. Aujourd’hui, même une simple boîte de tisanes est sujette à des usages erronés, où les gens pourraient consommer plusieurs sachets à la fois, ignorant les risques», souligne-t-il.

Par Hajar Kharroubi
Le 22/07/2024 à 18h42