La gouvernance financière publique (GFP) au Maroc est confrontée à de nombreux défis et nécessite d’être constamment revisitée. C’est ce qu’a indiqué l’économiste Larbi Jaidi lors de la deuxième journée de la seizième édition du Colloque international des finances publiques, qui s’est tenu les 1er et 2 novembre 2024 à Rabat.
Cet événement a été organisé par le ministère de l’Économie et des Finances, via la Trésorerie générale du Royaume (TGR), en partenariat avec l’Association pour la Fondation internationale de finances publiques (FONDAFIP-France).
Cette révision est dictée par plusieurs facteurs, selon l’économiste. Il s’agit notamment, explique-t-il, d’un environnement international fragmenté et en crise, d’un environnement national – économique, politique et social – en mutation, ainsi que d’une loi organique relative à la loi de finances (LOF) en quête de renouveau et d’un nouvel espace.
L’enjeu de cette révision est de permettre à la GFP d’être en phase avec les principes démocratiques. Pour ce faire, elle doit reposer, entre autres, sur le renforcement de la transparence, note ce professeur universitaire et senior fellow (chercheur principal) au Policy Center for the New South.
La finalité, précise-t-il, est d’améliorer la prise de décision par l’approfondissement du débat budgétaire, tant parlementaire que public, dans un esprit de responsabilité et de sincérité.
Les mesures à mettre en œuvre à cet effet sont, selon le conférencier, la diversification de l’information communiquée au parlement (rapports accompagnant la loi de finances), la vulgarisation budgétaire par la publication du budget citoyen, ainsi que la réduction des retards dans la préparation des lois de règlement et leur présentation au parlement.
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«La transparence des finances publiques s’est améliorée en ce qui concerne les informations sur la performance des services publics. Cependant, elle reste affaiblie par divers enjeux: la multiplicité des supports budgétaires, la diversité des règles de gestion, et la dispersion de l’information budgétaire», souligne-t-il.
Larbi Jaidi appelle ainsi à faire face à la multiplicité des supports budgétaires (budget général, comptes spéciaux du Trésor - CST, services de l’État gérés de manière autonome - SEGMA, établissements et entreprises publics - EEP, collectivités territoriales…) et à l’«agenciarisation» de plus en plus prononcée dans différents secteurs (économique, social et environnemental). «La diversité des supports entraîne un éclatement des règles de gestion budgétaire», prévient-il.
Il note également que la gestion des finances publiques est constamment sous tension, marquée par plusieurs dichotomies, notamment quatre principales. La première est la tension entre l’efficacité managériale et la démocratie, laquelle implique une délibération sur les choix publics et la nécessité de faire du débat sur les finances publiques un débat démocratique.
La loi organique relative aux finances est à réformer
La deuxième dichotomie se situe entre la transparence et le contrôle, ce qui renvoie à l’obligation de respecter les normes et les procédures, de conduire les politiques publiques et d’en rendre compte. La troisième tension oppose l’autonomie à la cohérence, soulevant les questions de la liberté des gestionnaires et de l’engagement sur les résultats, ainsi que la diversité des intérêts et la coordination des décisions.
La quatrième est entre la représentativité et la légitimité. À cet égard, l’économiste insiste sur la nécessité de poser les fondements d’une économie politique des finances publiques et de définir un cadre de décision à la fois légitime politiquement et efficace économiquement.
Pour conclure, le conférencier propose notamment de réformer la loi organique relative à la loi de finances, en suggérant d’élargir ses principes à d’autres acteurs et d’innover dans la mécanique institutionnelle.