La crise alimentaire de 2007-2008, qui avait pour origine la forte hausse des cours des produits agricoles de base, avait remis au goût du jour les politiques agricoles délaissées par les dirigeants politiques africains qui avaient fini par faire de leur pays des débouchées des surproductions agricoles à bas prix des puissances occidentales ayant contribué à tuer l’agriculture africaine.
Depuis, et suite aux révoltes qui ont suivi cette flambée des cours du riz, du blé et d’autres céréales, les dirigeants africains se sont retournés vers les vieux discours dont le plus usité reste celui de la «Révolution verte» qui avait permis à l’Inde de sortir de sa crise alimentaire. Seulement, n’est pas Inde qui veut. Pour preuve, les pays africains sont encore et toujours en train de chercher un modèle de «Révolution verte». C’est ce qui ressort du panel «Conduire une Révolution verte en Afrique», lors de la 4ème édition des "Atlantic Dialogues" organisée par OCP Policy Center.
Pourtant les recettes sont connues. D’après Olusegun Obassanjo, ancien président du Nigéria et fermier de son état, "la technologie, la volonté politique, la mise en place d’une politique de distribution des engrais et la mise en place d’instruments à même de convaincre les agriculteurs sont les principaux facteurs qui ont permis à l’Inde de réaliser sa «Révolution verte».".
Pendant ce temps, l’Afrique se cherche encore un modèle. Pourtant, elle dispose de tous les atouts pour réussir elle aussi sa révolution. Selon Mostapha Terrab, PDG du groupe OCP, «l’Afrique n’utilise actuellement que 20% de ses terres arables. C’est dire que l’Afrique est une solution au problème de la sécurité alimentaire et non le problème», ajoutant qu’il «urge de lancer la révolution verte en Afrique en s’appuyant sur le petit agriculteur afin de ne pas détruire l’écosystème». En plus, explique le patron de l’OCP, «en 2050, l’Afrique devra compter 2 milliards d’habitants et doit contribuer à nourrir le monde grâce à son potentiel qui attire de plus en plus de puissances». Pour cela, explique-t-il, «l’Afrique doit innover. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’action de l’OCP qui, avant de vendre de l’engrais à un pays africain, étudie d’abord ses sols pour lui fournir des engrais adaptés».
Outre l’Inde, «le Brésil aussi a réussi sa révolution verte en s’appuyant aussi bien sur la petite agriculture que sur les grandes fermes agricoles», a expliqué Joaquim Levy, ministre des Finances du Brésil, ajoutant que le Brésil essaye, avec le soutien du Japon, de contribuer au développement des agricultures de certains pays africains dont le Mozambique. En tout cas, pour le ministre des Finances brésilien, les bénéfices de la révolution verte sont importants. Outre la sécurité alimentaire, elle peut contribuer à la transformation de la structure de la balance commerciale et de la balance des paiements des Etats et à l'amélioration des revenus des agriculteurs et donc réduit la pauvreté.
Ainsi, l’Afrique dispose du potentiel (terres, eaux, engrais, etc.) pour réaliser cette révolution verte qui aura des impacts positifs sur les économies des pays du continent. Toutefois, le continent continue à faire face à l’insécurité alimentaire. Selon Cheikh Tidiane Gadio, fondateur et président l’Institut panafricain des études stratégiques, «le problème est celui de leadership».
Enfin, pour Aminata Touré, ancienne première ministre du Sénégal «on ne peut pas résoudre le problème de l’agriculture africaine sans apporter une solution au problème genre rappelant qu’en Afrique, ce sont les femmes qui produisent l’essentiel des besoins agricoles et que malheureusement elles n’ont accès ni à la terre ni au financement».