À l’issue de la réunion de son Conseil, le 21 mars dernier, Bank Al-Maghrib a relevé son taux directeur de 50 points de base, à 3%, afin de «prévenir l’enclenchement de spirales inflationnistes autoentretenues» et de «favoriser le retour de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix».
Loin des chiffres abscons et du jargon économique complexe, l’impact attendu de la hausse du taux directeur est simple: assurer la stabilité des prix et empêcher la dépréciation du dirham, alors que l’inflation ne cesse de s’envoler depuis plusieurs mois. Selon les dernières statistiques du Haut-Commissariat au Plan (HCP), elle s’est établie à 10,1% en février 2023, en comparaison avec la même période de 2022.
Immobilier, consommation... Votre crédit bancaire coûtera plus cher
Théoriquement, quand la Banque centrale relève son taux directeur, cela se traduirait par une baisse du volume des crédits accordés aux ménages et aux entreprises et, par conséquent, une limitation de la masse monétaire en circulation dans l’économie.
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«Quand les prix augmentent, c’est la demande qui augmente, il faut donc rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande pour faire baisser les prix. L’outil monétaire est mobilisé pour faire pression à la baisse sur la demande financée par crédit», explique, contacté par Le360, Omar Bakkou, économiste et spécialiste en politique de change au Maroc.
En effet, le taux directeur est le taux fixé par Bank Al-Maghrib pour prêter de l’argent aux banques commerciales, mais aussi pour rémunérer les dépôts que ces banques effectuent auprès de la Banque centrale.
«Face à la baisse de leur pouvoir d’achat, ceux qui n’ont d’autre choix que de s’endetter continueront à contracter des crédits.»
— Omar Bakkou, économiste et spécialiste en politique de change.
Par effet mécanique, la hausse du taux directeur induit une hausse des taux d’intérêt d’un emprunt bancaire. En d’autres termes, si vous comptez contracter un crédit à la consommation ou immobilier, il vous coûtera désormais plus cher. Même chose pour les entreprises qui veulent se financer auprès des banques commerciales.
Avec un coût d’emprunt élevé, il devient plus difficile pour les particuliers comme pour les entreprises de consommer ou de se lancer dans des projets d’investissement, ce qui permet dès lors de réduire la demande et limiter la circulation monétaire.
À moyen ou long terme, face à une offre abondante et une demande limitée, les prix des produits de consommation commencent alors à baisser. En théorie du moins. Car en pratique, les choses peuvent être un peu plus complexes.
De la théorie à la pratique
Depuis septembre 2022, BAM a relevé son taux directeur à trois reprises, dans le but de lutter contre l’inflation. Avec un résultat mitigé. À ce jour, un impact limité s’est fait ressentir sur les taux débiteurs et l’encours des crédits accordés. Et ce pour deux raisons : la complexité de la chaîne de transmission de la politique monétaire, et le manque, sinon l’absence d’alternatives au crédit bancaire.
«Quand BAM augmente son taux directeur, un certain temps est nécessaire pour que les banques commerciales répercutent cette hausse sur les taux débiteurs. Et cela peut prendre des mois. Mais même si le coût du crédit augmente, il n’est pas toujours sûr que les taux débiteurs deviennent dissuasifs, surtout pour les ménages qui n’ont d’autre choix que de s’endetter face à la baisse de leur pouvoir d’achat».
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Le constat est confirmé par la dernière enquête de BAM sur les taux débiteurs, au titre du quatrième trimestre de 2022. Ses résultats font ressortir une hausse du taux moyen global de 26 points de base à 4,50% (contre une hausse cumulée de 100 points de base du taux directeur en 2022). Par objet économique, les taux se sont établis à 4,35% pour les facilités de trésorerie, à 4,40% pour les crédits à l’équipement, à 4,84% pour les prêts immobiliers et à 6,40% pour les crédits à la consommation.
D’un autre côté, l’encours du crédit s’est situé à 1.033 milliards de dirhams en janvier 2023, en baisse de 2,4% par rapport à décembre 2022 et en hausse de 7,1% par rapport à la même période en 2021. Dans le détail, le crédit immobilier en janvier 2023 a stagné par rapport à décembre 2022, le crédit à l’équipement a baissé de 0,2% et le crédit à la consommation a reculé de 0,4% durant la même période.