Maroc-Nigeria: les enjeux stratégiques du méga-projet de gazoduc

Un appel d'offre a été lancé pour l'étude préalable au nouveau gazoduc de 300 kilomètres reliant Tanger à Casablanca.

Un appel d'offre a été lancé pour l'étude préalable au nouveau gazoduc de 300 kilomètres reliant Tanger à Casablanca. . DR

Le méga-projet du gazoduc transafricain sera un pont gazier entre l'Afrique et l'Europe. Il sera également une solution de rechange pour le Maroc à la redevance en nature perçue sur le contrat de passage du gaz algérien, via le Maroc, et qui arrive à échéance en novembre 2021.

Le 11/12/2016 à 12h51

Le projet du gazoduc reliant le Maroc et le Nigeria est un double coup porté à l’Algérie. D'une part, il remplace un projet qui devait se monter en partenariat avec le Nigeria mais qui n’a pu être réalisé à temps, à savoir le gazoduc Transaharien. D'autre part, le nouveau projet devrait renforcer la position du Maroc pour la négociation des redevances liées au passage du gaz algérien par un pipeline traversant le Maroc pour être acheminé vers l’Europe. Ceci, si le contrat entre les deux pays est reconduit!

En effet, le Maroc et l’Algérie sont liés par un contrat qui autorise notre voisin à utiliser un gazoduc traversant le Maroc pour approvisionner le marché européen. En contrepartie, le royaume obtient des redevances en nature, sous forme de gaz. En tout, le Maroc pompe quelque 750 millions de m3 de gaz par an sur ce pipeline. Dans la Loi de Finances 2016, la valeur de cette quantité de gaz est évaluée à quelque 2 milliards de dirhams.

Ce gaz est cédé à l’ONEE et sert principalement à alimenter la centrale à cycle combiné de Tahaddart et la centrale thermo-solaire de Aïn Beni Mathar. Ces deux centrales étaient d’ailleurs exclusivement approvisionnées par le gaz algérien jusqu’en 2011, date à laquelle l’Etat marocain a signé un contrat d’approvisionnement sur les marché internationaux qui court sur dix ans. Cela permettait de réduire la dépendance de ces unités de production d’électricité, au contrat avec l’Algérie.

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Ce dernier arrive d’ailleurs à échéance en novembre 2021, lors de la présentation de la feuille de route pour le développement du gaz naturel en décembre 2014, Abdelkader Aâmara, alors ministre de l’Energie et des mines, a clairement laissé entendre que la stratégie marocaine devait tenir compte d'une possible non reconduction de l’accord entre les deux pays. Cette non reconduction avait même été retenue parmi les principales hypothèses servant au calcul des besoins en gaz du Maroc et que le pays devrait assouvir en s’approvisionnant sur les marchés internationaux.

Avec le projet du gazoduc transafricain, le Maroc va donc, d’un côté, permettre au Nigeria de booster ses livraisons à l’Europe, un marché qu’il considère comme stratégique depuis plusieurs années mais qu’il n’a pu réellement conquérir en l’absence d’une «autoroute gazière», en l’occurrence un gazoduc. D’un autre côté, le Maroc s’offre une solution de rechange à l’expiration du contrat avec l’Algérie.

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Dans un autre registre, il y a lieu de noter que l’Afrique est déjà reliée à l’Europe via deux gazoducs qui ont pour point commun de démarrer depuis l’Algérie. Les deux partent en effet de Hassi R’mel, dans le centre du pays, considéré comme un point d’interconnexion entre les différents gazoducs en Algérie. L’un part vers le Maroc, en traversant l’Oriental, Fès puis Tanger avant de relier l’Europe via la côte sud de l’Espagne. Le deuxième part vers l’est de l’Algérie pour traverser la Tunisie et atteindre la Sicile, en Italie.

Il y avait aussi deux autres projets pour relier l’Afrique à l’Europe via un gazoduc, notamment le projet transaharien et le pipeline reliant l’Algérie directement à l’Italie sans passer par la Tunisie, mais aucun des deux n’a pu être concrétisé.

Il reste maintenant à savoir si le lancement du projet marocco-nigérian ne va pas faire retrouver l’appétit à d’autres pays producteurs, pour tenter de renforcer l’interconnexion gazière entre l’Afrique et le Vieux continent.

Par Younès Tantaoui
Le 11/12/2016 à 12h51