Managem. Interception d’une cargaison d’or au Soudan: ce qu’il s’est réellement passé

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On en sait un peu plus sur l’incident survenu hier à Khartoum, suite à la saisie d’une cargaison d’or appartenant à une filiale de Managem. Contrairement aux rumeurs relayées par certains médias, cette opération est conforme aux procédures des nouveaux maîtres du Soudan.

Le 10/05/2019 à 13h09

Une source bien informée a bien voulu nous relater le déroulé de cet incident. Le360 a ainsi pu apprendre que les faits concernent la société Manub, filiale du groupe Managem au Soudan. Celle-ci procède régulièrement à l’exportation de sa production d’or du site de Gabgaba (à l'Est du Soudan) vers des clients internationaux, et ce, depuis plus de cinq ans.

Suivant la procédure habituelle, ce mercredi 8 mai, en milieu d’après-midi, un hélicoptère est arrivé sur le site de Gabgaba pour transporter la production d’or en stock, soit 217 kg, pour l’acheminer vers Khartoum, en vue de son exportation vers un client italien. Les représentants du ministère soudanais des mines ainsi que les responsables des douanes soudanaises étaient présents pour superviser cette opération, précise notre source.

Il convient de rappeler que juste après le départ du président El Bechir, une nouvelle unité militaire composée de 55 soldats (en plus de 100 autres déjà présents) appartenant à la Force de Soutien Rapide est arrivée sur le site de Gabgaba, en vue de renforcer la sécurité de la mine, mais également pour contrôler la production d’or dans le pays.

C’est bien cette nouvelle force militaire qui a bloqué l’expédition de la cargaison de 217 kg d’or, dans l’attente de recevoir de nouvelles instructions de Khartoum. «Malgré une documentation complète et des autorisations en règle, de nombreuses heures de discussions et des tentatives d’intervention à Khartoum, l’expédition n’a pas pu partir et l’or a passé la nuit sur le site», déplore notre interlocuteur.

Hier matin, jeudi 9 mai, contrairement à la procédure habituelle, les militaires ont exigé de prendre la totalité des lingots pour les acheminer eux-mêmes vers Khartoum. A l’arrivée à Khartoum, l’hélicoptère a été accueilli par des journalistes, manifestement alertés au préalable.

Dès lors, les journalistes présents ont diffusé de fausses informations, laissant croire qu’il s’agissait là de l'interception d’un avion appartenant à une société marocaine qui s’apprêtait à charger des lingots d’or pour les transporter à l’étranger.

Des images et une vidéo ont été diffusées. La vidéo, sensationnaliste, est assurément adressée à l’opinion publique soudanaise. On a visiblement cherché à frapper les esprits par la force des images. Ensuite, on rentre dans le cadre réglementaire et les engagements de l’Etat soudanais. Car il ne viendrait à l’esprit de personne de considérer que le nouveau régime soudanais puisse porter un coup de canif à la continuité de l’Etat. Cela donnerait un signal désastreux en direction des investisseurs étrangers, qui exercent dans ce pays en toute légalité.

D’ailleurs, certains médias soudanais se sont rapidement rétractés, reconnaissant la légalité de ce type d’opérations. A l’image du réseau des médias électroniques du Nil lequel, suite à une enquête sur le terrain, s’est rendu compte qu’il existait une dérogation accordée à certaines entreprises pour transporter leur production d'or par avion et que cette procédure se fait habituellement sous la supervision des autorités compétentes, en présence d’un observateur de la société soudanaise des mines et après avoir accompli un certain nombre de formalités impliquant quatre organes: la sécurité de l'aéroport, l'observateur de la société minière, la sécurité économique et le directeur du site de production.

En fin de journée, la société de transport par hélicoptère ainsi que l’agence de presse officielle soudanaise ont diffusé des communiqués indiquant que la filiale de Managem était en règle, et que cette procédure d’exportation était courante.

Il faut reconnaître que la situation actuelle au Soudan, suite au départ du président Omar El-Béchir, et qui est actuellement marquée par l’absence de gouvernement et l’arrivée d’une nouvelle autorité militaire, n’est pas très favorable aux sociétés étrangères présentes au Soudan, qui ont perdu leurs interlocuteurs habituels.

A titre d’exemple, il n’y a plus de ministère soudanais en charge des Mines. Mais cette situation ne porte pas à l’inquiétude, selon plusieurs sources interrogées par Le360. Quelle que soit l’autorité en place, elle ne peut pas balayer d’un revers de main les engagements de l’Etat soudanais.

Aux dernières nouvelles, Le360 a appris que les lingots d’or ont été transférés à la banque centrale de Khartoum pour des vérifications complémentaires. Manub devrait pouvoir récupérer cet or destiné à l'export dès dimanche prochain, le temps que les vérifications nécessaires soient finalisées. 

Par Wadie El Mouden
Le 10/05/2019 à 13h09