Moins de six mois après la signature d’un méga-contrat de 12 milliards d’euros avec Taqa Morocco, Nareva et le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement, l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) s’allie à l’Agence marocaine pour l’énergie durable (Masen) et à l’État pour produire 5 gigawatts d’électricité verte d’ici à 2030. Sous la direction de Tarik Hamane, l’ancien patron de Masen, l’institution multiplie les projets pour renforcer la souveraineté énergétique du Royaume, indique le magazine Jeune Afrique en introduction d’un grand entretien avec le D.G de l’ONEE. «Nous allons vivre une accélération sans précédent dans l’histoire du secteur», confie-t-il.
Déficitaire depuis le début de la guerre en Ukraine, avec un cumul de 46 milliards de dirhams en trois ans, l’ONEE s’apprête à se transformer pour porter ses nouvelles ambitions. Sa mutation en société anonyme marque le début d’une réforme en profondeur, a-t-on lu.
«Nous devons être à la hauteur des défis du Royaume en matière d’énergie et d’eau. Il est essentiel que l’Office dispose d’une organisation plus agile, d’une gouvernance modernisée et d’outils adaptés à ces défis», explique Tarik Hamane. Selon lui, cette évolution vers une Société Anonyme vise à instaurer «une structure transparente et tournée vers l’efficacité opérationnelle», menée en concertation avec l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État. Les premiers chantiers sont déjà en marche: modernisation de la gouvernance, séparation comptable des activités, pilotage renforcé des projets liés aux énergies renouvelables, au stockage et au réseau de transport.
Hamane précise: «Nous voulons doter l’ONEE d’un modèle solide et moderne, capable d’accompagner durablement les grands objectifs du Royaume, en conciliant sécurité d’approvisionnement, transition énergétique et équité d’accès aux services essentiels». L’établissement prévoit d’investir 177 milliards de dirhams dans le secteur électrique d’ici 2030, avec la création d’environ 15.000 MW additionnels contre 12.000 MW actuellement, écrit Jeune Afrique.
«Ce plan anticipe la forte dynamique socio-économique du Royaume, ainsi que les nouveaux écosystèmes industriels comme les gigafactories», précise Hamane. Plus de 12.400 MW seront issus des énergies renouvelables, répartis entre l’éolien, le solaire, les systèmes de batteries BESS et les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), pour un investissement global estimé à 100 milliards de dirhams. À cela, s’ajouteront plus de 3.000 MW de nouvelles capacités thermiques au gaz naturel, garantes de la flexibilité et de la stabilité du réseau.
Pour financer cet ambitieux programme, près de 80% des investissements proviendront du secteur privé. «Nous voulons accélérer le déploiement des projets grâce à des partenariats public–privé structurants, tout en optimisant l’utilisation des ressources publiques», souligne Hamane. L’ONEE mise aussi sur des montages financiers innovants. «La centrale à gaz Al Wahda, d’un coût de 4,2 milliards de dirhams, combine des fonds propres, des fonds de dettes spécialisés et un financement bancaire mixte. C’est un modèle inédit au Maroc».
La stratégie de l’Office s’étend également au secteur de l’eau. Un plan de 43 milliards de dirhams à horizon 2030 est lancé, dont 21 milliards en partenariat public–privé. Il prévoit notamment le développement massif du dessalement. «La capacité de production dépassera 1,3 milliard de m3 par an en 2030, couvrant 63% des besoins nationaux en eau potable contre 9% actuellement», annonce Tarik Hamane. Le projet phare sera la station de dessalement de Casablanca, la plus grande d’Afrique, produisant 300 millions de m3 par an et alimentée à 100% en énergie propre.
Malgré une amélioration des résultats financiers en 2024, avec un déficit ramené à 7,2 milliards de dirhams contre 11,4 milliards en 2023, une dette en baisse de 18% et un chiffre d’affaires en hausse de 3%, l’établissement reste fragile. Hamane rassure: «L’ONEE assure un service public essentiel avec des résultats exceptionnels, notamment un taux d’électrification de plus de 99,9% en milieu rural et un accès à l’eau potable supérieur à 98%. Pour continuer à assurer notre mission aux meilleurs standards, nous devons nous structurer sur les plans financier, organisationnel et de gouvernance. C’est tout le sens de la réforme engagée», a conclu le responsable.








