Immobilier: quand des amicales d’habitation se transforment en promoteurs

Un chantier en construction.

Alors que la vocation première des amicales d’habitation est de permettre à leurs adhérents d’acquérir un logement à moindre coût sans répercuter de marges commerciales, des «promoteurs déguisés» profitent de ce statut pour échapper au fisc. Une tendance qui prend de l’ampleur et qui inquiète de plus en plus les professionnels du secteur.

Le 08/07/2023 à 11h49

«Bab Darna», «Al Hamd», ou plus récemment «Settat Sis»... Plusieurs scandales immobiliers ont éclaté ces dernières années avec un point commun: il s’agit des amicales d’habitation. Au-delà de l’escroquerie et de l’abus de confiance, ces affaires cachent un problème de fond, un flou juridique dont abusent des «promoteurs immobiliers déguisés» pour échapper au fisc dans le meilleur des cas, ou arnaquer des citoyens en quête d’un logement à moindre coût.

Sur le plan juridique, ces structures sont constituées sur la base du droit d’association, qui permet à un groupement de personnes identifiées et qui ne sont pas propriétaires de réaliser un projet immobilier commun. Dans les faits, c’est une autre histoire, un bon nombre des acquéreurs des logements réalisés dans le cadre d’amicales d’habitation n’ont jamais fait partie du projet de départ, mais ont pu acheter leur logement au cours de sa construction ou vers la fin des travaux.

Un but purement lucratif

Contacté par Le360, Anis Benjelloun, vice-président de la Fédération nationale de la promotion immobilière (FNPI), explique que la majorité des amicales d’habitation ont le même modus operandi: un «gérant» de la «coopérative d’habitation» se charge de réserver un terrain, commence à chercher ses clients et finance la construction du projet immobilier grâce aux avances qu’ils reçoit au fur et à mesure.

«Des complexes résidentiels avec des centaines de logements ont pu être construits grâce à ce statut. Plusieurs d’entre eux ont été vendus après la fin des travaux. On ne peut plus parler de coopératives, c’est clairement de la promotion immobilière déguisée», souligne-t-il.

En effet, une petite recherche sur Internet suffit pour recenser une dizaine de publicité pour des projets immobiliers réalisés par des amicales d’habitation proposant toujours à la vente des appartements, villas, plateaux de bureaux et locaux commerciaux à vendre à des prix compétitifs.

Cette approche commerciale va à l’encontre de l’objectif assigné aux coopératives d’habitation, selon le vice-président de la FNPI, qui assure que des représentants commerciaux de certaines amicales participent même à des salons immobiliers, au Maroc et à l’étranger, pour aller à la rencontre de nouveaux clients. «Il y a tout un processus commercial. Ces amicales participent à des salons internationaux pour vendre des logements. C’est purement lucratif, mais le plus choquant ce sont les avantages fiscaux dont ils profitent», regrette-t-il.

Un grand manque à gagner pour l’Etat

Le manque à gagner pour les recettes fiscales de l’Etat est estimé à environ 500 millions de dirhams par an selon le vice-président de la FNPI, les coopératives d’habitation étant exonérées d’impôt sur les sociétés (IS). «Si tous les promoteurs immobiliers se transformaient en amicales d’habitation, le secteur ne paierait plus d’IS», martèle Anis Benjelloun.

Pour remédier à cette situation, Anis Benjelloun appelle à renforcer l’arsenal légal encadrant la création des amicales d’habitat au Maroc en créant un statut propre à la coopérative d’habitation, lequel permet d’identifier les adhérents au projet dès le départ avant d’autoriser sa construction. Il exige également un suivi et un contrôle pour s’assurer que ces mêmes personnes bénéficient des logements construits à la fin des travaux.

«Nous ne sommes pas contre les coopératives d’habitation, bien au contraire. Nos citoyens ont le droit de s’organiser et de se réunir pour construire un projet de logement commun, mais il faut un cadre légal clair et précis pour ne plus utiliser le statut de coopérative à but non lucratif, le seul qui existe aujourd’hui, à des fins lucratives», conclut-il.

Par Safae Hadri
Le 08/07/2023 à 11h49