Le secteur agricole est actuellement confronté à une conjonction de facteurs déstabilisants, dont le changement climatique principalement, ainsi que les répercussions de la pandémie de Covid-19. «Les activités agricoles ont été directement impactées par le changement climatique, avec des fluctuations météorologiques extrêmes. La sécheresse, en particulier, a touché toutes les provinces du Royaume, englobant aussi bien les zones bour que les zones irriguées et les pâturages», indique le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, Mohammed Sadiki, invité de ce nouveau numéro du «Grand Format-Le360».
Malgré ces défis, le secteur agricole a fait preuve de résilience, comme le souligne le ministre: «Jusqu’à présent, nos marchés ont été suffisamment approvisionnés en denrées alimentaires, signe de l’efficacité des mécanismes de soutien mis en place pour permettre aux agriculteurs de maintenir leurs activités.»
Cependant, les superficies irriguées, essentielles pour garantir la productivité agricole, ont été lourdement affectées par la succession d’épisodes de sécheresse au cours des dernières années. Les barrages, jadis sources fiables d’approvisionnement en eau, présentent désormais des niveaux de remplissage alarmants, ne parvenant plus à atteindre les capacités observées par le passé.
«Au Maroc, la superficie totale des terres agricoles s’étend sur 9 millions d’hectares. Toutefois, en excluant les espaces pastoraux et les arbres naturels, on obtient chaque année 6 millions d’hectares dédiés aux arbres fruitiers, dont 5,5 millions d’hectares consacrés aux cultures annuelles telles que les céréales, les légumineuses et le fourrage. Sur cette vaste étendue, 1,6 million d’hectares sont équipés pour être irrigués», détaille Mohammed Sadiki.
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Actuellement, en raison de la diminution des précipitations, les superficies plantées dans les zones bour se limitent à 2,3 millions d’hectares dédiés aux céréales. Si l’on y ajoute les légumineuses et le fourrage, cela représente 3 millions d’hectares plantés sur les 5,5 millions d’hectares. Dans les zones irriguées, où l’on dispose d’une capacité d’irrigation de 400.000 hectares sur les 1,6 million d’hectares équipés, le volume d’eau disponible cette année est de 680 millions de mètres cubes, bien en deçà des niveaux habituels situés entre 3,5 et 4,5 milliards de mètres cubes.
Ces 400.000 hectares d’espaces irrigués revêtent une importance cruciale, étant donné qu’ils sont dédiés à la culture des produits les plus essentiels et en forte demande sur le marché, tels que la tomate, la pomme de terre, l’oignon et les carottes. Parallèlement, une attention particulière est accordée aux arbres dans ces zones, non seulement pour leur production fruitière, mais surtout pour assurer leur survie dans des conditions climatiques difficiles, poursuit le ministre de l’Agriculture.
Le PMV, un bilan positif?
Mohammed Sadiki relève, par ailleurs, que le Plan Maroc vert (PMV, 2008-2020) a joué un rôle crucial dans le développement de l’agriculture au Maroc: «Sans le PMV, il aurait été difficile d’établir une base solide pour ce secteur. Les réformes mises en place ont profondément restructuré l’agriculture, attirant d’importants investissements axés sur l’économie et la valorisation de l’eau. Cet aspect particulier a permis aux agriculteurs de maintenir leurs activités, grâce à une gestion plus efficace de la consommation d’eau.»
Le ministre estime que cette restructuration est d’autant plus cruciale étant donné que près de 40% de la main-d’œuvre au Maroc est employée dans le secteur agricole, soulignant ainsi son importance socio-économique. Et d’ajouter qu’une équation cruciale à considérer est la manière dont chaque mètre cube d’eau est utilisé dans l’agriculture: «L’optimisation de cette ressource est essentielle pour maximiser les rendements, tout en tenant compte du nombre de personnes employées dans le secteur et de la manière dont l’eau est utilisée pour approvisionner le marché local. Cette approche holistique permet de garantir une utilisation efficace des ressources tout en répondant aux besoins de la population et en favorisant la durabilité de l’agriculture marocaine.»
D’après Mohammed Sadiki, le PMV a permis d’atteindre avec succès une superficie de 650.000 hectares équipés en systèmes d’irrigation goutte-à-goutte. «Cette avancée a entraîné des économies d’eau considérables, atteignant jusqu’à 70% selon les techniques utilisées. Actuellement, le pays travaille sur 850.000 hectares équipés et vise à étendre cette couverture à 1 million d’hectares, sur une superficie plantée totale de 1,6 million d’hectares», rassure-t-il.
Parallèlement, une stratégie globale se dessine dans le secteur des céréales, privilégiant des variétés résistantes à la sécheresse et aux maladies. «Chaque année, 4,5 millions d’hectares sont dédiés à la culture céréalière, assurant normalement une production moyenne de 115 millions de quintaux, couvrant environ 80% des besoins nationaux. Cependant, en cas de faibles précipitations, le rendement diminue», indique le ministre de l’Agriculture.
En ce qui concerne les exportations, celles-ci sont impératives pour les agriculteurs qui investissent et ont besoin de rentabilité pour continuer leurs activités, insiste Mohammed Sadiki. Mais la priorité reste le marché intérieur: «Il est essentiel de préserver le marché intérieur, mais en cas de surplus, l’exportation devient inévitable pour garantir la rentabilité des exploitations agricoles. L’objectif n’est pas de soutenir l’agriculture uniquement pour l’exportation, mais plutôt d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs et de la main-d’œuvre agricole», soutient-il.