Opérationnel depuis le 2 janvier, le nouveau dispositif d’aide au logement connait un engouement important auprès des ménages marocains. Le dernier bilan dévoilé par le ministère de l’Habitat, arrêté le 18 janvier, fait état de plus de 31.000 demandes inscrites sur la plateforme «Daam Sakane», dont 76% visent des logements de moins de 300.000 dirhams. Le reste, soit 24%, cible des logements destinés à la classe moyenne, dont la valeur est comprise entre 300.000 et 700.000 dirhams. Notons aussi que 21% des inscriptions émanent des Marocains résidant à l’étranger (MRE).
Plusieurs promoteurs immobiliers interrogés par Le360 s’accordent à dire que cet engouement était prévisible. L’effritement de la classe moyenne, la poussée inflationniste et la dégradation du pouvoir d’achat qui en résulte, la hausse des taux d’intérêt, le durcissement des conditions de prêt immobilier... Tous ces facteurs laissent présager une forte demande pour bénéficier de l’aide financière de l’État.
Cela dit, nuancent-ils, le succès du nouveau dispositif d’aide ne se mesure pas au niveau de la demande, mais plutôt au niveau de la réalisation de cette demande. La question se pose de savoir s’il va y avoir une offre qui correspond à la demande exprimée. Les promoteurs immobiliers vont-ils pouvoir produire un logement à 300.000 dirhams dans le contexte actuel, marqué par l’apparition de nouvelles contraintes?
D’après les professionnels de l’immobilier, plusieurs facteurs sont venus récemment renchérir le coût de production des logements au Maroc. À commencer par le prix du ciment qui a augmenté, entraînant une hausse de tous les autres intrants dérivés (béton, etc.) et induisant au final un surcoût de 4.000 et 6.000 dirhams pour chaque logement.
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Les promoteurs immobiliers sont tenus également, pour la première fois, de verser au «Fonds de travaux» des régies autonomes de distribution d’eau, d’électricité et d’assainissement un montant qui varie d’une ville à une autre (348.000 dirhams hors taxe par hectare dans la région de Rabat contre seulement 100.000 dirhams hors taxes par hectare dans la région de Marrakech). «Est-ce aux promoteurs d’alimenter ce fonds de travaux pour des projets structurants des villes? Le différentiel de taxation entre les villes est, en plus, incohérent», estime un professionnel.
Parmi les nouvelles contraintes pesantes, celle relative à la participation au premier établissement (PPE), que les promoteurs doivent régler aux régies autonomes en contrepartie du raccordement aux réseaux de distribution d’eau, d’électricité et d’assainissement. Le montant de cette PPE a augmenté de plus 20% chez certaines régies (25% concernant Redal à Rabat).
Ajoutez à cela d’autres contraintes urbanistiques: certaines agences urbaines exigent un minimum de surface à respecter (80 mètres carrés concernant l’agence urbaine de Rabat-Salé). Cela, sans compter une multitude de taxes communales, notamment le permis d’habiter (40 dirhams par mètre), la taxe sur les déblais de chantier, etc.
«Comment peut-on produire des logements à 300.000 dirhams avec toutes ces contraintes?», s’interroge ce promoteur immobilier basé à Casablanca. Selon lui, les gens ont inscrit leurs demandes sur la plateforme «Daam Sakane» sans avoir aucune idée sur la typologie du logement. Dans leur subconscient, les demandeurs inscrits pensent qu’ils vont avoir la même typologie de produit que les anciens logements sociaux. «C’est une anomalie. Dans certaines villes, le logement de 300.000 dirhams est condamné», renchérit notre interlocuteur.
En définitive, on ne peut pas parler de succès du programme d’aide au logement tant qu’il n y a pas de concrétisation réelle et effective des demandes enregistrées sur la plateforme «Daam Sakane». Et pour cela, il faut encore attendre quelques mois pour y voir plus clair.