Entre 2015 et 2024, le paysage des crédits bancaires au Maroc a connu une transformation significative, reflétant à la fois la dynamique économique du pays et les priorités de financement des secteurs clés. Le total des crédits bancaires est passé de 784,99 milliards de dirhams (MMDH) en 2015 à 1.164,63 milliards en 2024, soit une hausse de près de 48% en moins d’une décennie.
Les secteurs primaire et secondaire reculent, le tertiaire monte
La répartition des crédits bancaires par grands secteurs montre que, malgré la croissance globale, certains domaines ont renforcé leur poids tandis que d’autres ont vu leur part relative reculer. Ainsi, le secteur primaire est passé de 33,47 MMDH en 2015 à 40,87 MMDH en 2024, en hausse de 22,1% et sa part dans le total recule, passant de 4,3% à 3,5%.
De même, les crédits accordés au secteur secondaire sont passés de 234 MMDH à 308,25 MMDH (+31,7%) et sa part se contracte, passant de 29,8% à 26,5%.

En revanche, le secteur tertiaire se renforce, puisque les crédits qui lui ont été accordés sont passés de 517,51 MMDH à 815,50 MMDH (+57,6%) et sa part augmente ainsi de 65,9% à 70%, confirmant la prédominance des services dans l’économie nationale.
Les particuliers toujours en tête
Dans le détail, l’analyse des chiffres de Bank Al-Maghrib montre que les crédits accordés aux particuliers et Marocains Résidant à l’Étranger (MRE) restent le premier poste de financement, avec une augmentation de 38,7% en valeur, passant de 252,84 MMDH à 350,68 MMDH.
Cependant, leur part relative dans le total des crédits recule légèrement, de 32,2% à 30,1%, signe que d’autres secteurs ont vu leur accès au financement s’intensifier.
Activités financières: un bond spectaculaire
Le secteur des activités financières a enregistré en 2024 une progression notable de 66,8%, pour atteindre 211,35 MMDH. Sa part dans l’ensemble des crédits est également passée de 16,1% à 18,2%, confirmant le rôle croissant du secteur financier dans l’économie marocaine, porté notamment par la digitalisation et le développement de services financiers innovants.
Croissance modérée du BTP et forte progression des industries extractives
Le secteur du bâtiment et des travaux publics, moteur traditionnel de l’économie, continue de bénéficier d’un financement solide, avec une hausse de 8,7% en dix ans, pour un montant de 96,13 MMDH en 2024. Toutefois, sa part relative dans le total recule de 11,3% à 8,3%.
Classement des crédits bancaires par branche d’activité économique en 2015
| Branche | Montant (milliards DH) | Part dans le total |
|---|---|---|
| Particuliers et MRE | 252,84 | 32,23% |
| Activités financières | 126,69 | 16,14% |
| Bâtiment et travaux publics | 88,48 | 11,28% |
| Electricité, gaz et eau | 49,42 | 6,30% |
| Commerce, réparations automobiles et domestiques | 47,69 | 6,08% |
| Agriculture et pêche | 33,47 | 4,27% |
| Transports et communications | 32,99 | 4,20% |
| Industries alimentaires et tabac | 27,88 | 3,55% |
| Autres branches (hors services personnels) | 26,59 | 3,39% |
| Industries métallurgiques, mécaniques, etc. | 18,26 | 2,33% |
| Industries manufacturières diverses | 18,04 | 2,30% |
| Hôtels et restaurants | 16,55 | 2,11% |
| Administrations locales | 14,13 | 1,80% |
| Industries extractives | 13,28 | 1,69% |
| Industries chimiques et parachimiques | 11,82 | 1,51% |
| Industries textiles, habillement et cuir | 6,79 | 0,86% |
| Total | 784,99 | 100% |
Cette tendance devrait s’inverser avec la forte dynamique que connait le secteur sous l’effet du lancement d’une multitude de projets d’infrastructures dans le cadre de l’organisation du Mondial 2030 par le Maroc.
À l’inverse, les industries extractives ont enregistré une envolée spectaculaire, avec un financement quasiment triplé (+189 %), passant de 13,28 à 38,39 MMDH. Cette progression traduit probablement l’intensification des investissements dans les ressources naturelles et le secteur minier.
Secteurs traditionnels en stagnation voire en recul
Certains secteurs industriels comme les industries textiles, de l’habillement et du cuir enregistrent un léger recul (-5,3%), tout comme le secteur de l’hôtellerie et de la restauration (-3%). Ces évolutions peuvent traduire des difficultés structurelles ou des mutations profondes dans ces branches.
Diversification des bénéficiaires
L’analyse de ces chiffres révèle une profonde mutation du financement de l’économie par le biais du secteur bancaire, marquée par plusieurs transformations majeures. Il s’agit en premier lieu de diversification des bénéficiaires.
Classement des crédits bancaires par branche d’activité économique en 2024
| Branche | Montant (milliards DH) | Part dans le total |
|---|---|---|
| Particuliers et MRE | 350,68 | 30,11% |
| Activités financières | 211,35 | 18,15% |
| Bâtiment et travaux publics | 96,13 | 8,26% |
| Autres branches (hors services personnels) | 89,91 | 7,72% |
| Electricité, gaz et eau | 72,64 | 6,24% |
| Commerce, réparations automobiles et domestiques | 79,05 | 6,79% |
| Agriculture et pêche | 40,87 | 3,51% |
| Transports et communications | 41,86 | 3,59% |
| Industries alimentaires et tabac | 39,34 | 3,38% |
| Industries extractives | 38,39 | 3,30% |
| Administrations locales | 26,58 | 2,28% |
| Industries métallurgiques, mécaniques, etc. | 21,43 | 1,84% |
| Industries manufacturières diverses | 20,46 | 1,76% |
| Hôtels et restaurants | 16,04 | 1,38% |
| Industries chimiques et parachimiques | 13,39 | 1,15% |
| Industries textiles, habillement et cuir | 6,43 | 0,55% |
| Total | 1.164,63 | 100% |
La diminution relative de la part des crédits accordés aux particuliers et aux secteurs traditionnels (BTP, agriculture) s’accompagne d’une montée en puissance d’activités plus spécialisées, telles que la finance et certaines branches industrielles, notamment l’extraction. Cette évolution reflète un élargissement de la base des bénéficiaires du financement bancaire.
Orientation vers les secteurs à forte valeur ajoutée
En second lieu, on note une réorientation vers des secteurs à forte valeur ajoutée. Les progressions marquées des activités financières (+66,8 %) et des industries extractives (+189 %) indiquent que les banques ciblent désormais des domaines à fort potentiel de rentabilité, en phase avec les stratégies nationales d’investissement, notamment dans les énergies, l’exploitation minière et les services financiers.
Le secteur tertiaire en expansion constante
Malgré les mutations économiques, le tertiaire reste la locomotive des crédits bancaires, confirmant le basculement structurel de l’économie marocaine vers les services. Dans son ensemble, il montre une tendance globale à la hausse, portée notamment par les activités financières, le commerce, les transports.
Pour le recul des crédits dans le textile et l’hôtellerie, il témoigne de défis structurels liés notamment à la compétitivité et l’innovation.
Dans ce contexte, pour les banques, l’enjeu est désormais d’adapter leurs stratégies afin d’accompagner ces transformations et de soutenir durablement la croissance économique du pays.








