Après avoir longtemps tergiverser sur l’opportunité de se lancer dans la finance islamique, vocable d’ailleurs qui est toujours banni, l’Etat ayant préféré celui de finance alternative au départ lorsqu’il était question de lancer quelques produits islamiques par les banques classiques avant d’opter définitivement pour la dénomination de finance participative, le Maroc s’est résolu dorénavant à se lancer définitivement sur ce marché où les potentialités sont jugées importantes. Et pour cela, tout un cadre institutionnel, législatif et règlementaire a été mis en place, sous l’égide de Bank Al-Maghrib, pour développer la finance participative et rattraper le retard du pays au niveau de cette industrie.
Cette ouverture sur cette finance islamique était d’autant plus nécessaire que le Maroc aspire à devenir une place financière régionale avec Casablanca Finance City (CFC) et à attirer les capitaux des pays du Golfe pour les drainer vers les paysd'Afrique subsaharienne ayant des besoins de financement importants. En plus, beaucoup de Marocains continuent aussi à ne pas se reconnaître avec la finance classique. Situation qui explique grandement l’échec des produits lancés par les banques classiques dont l’encours dépasse actuellement à peine 1,2 milliard de dirhams.
Et dans cette optique, plusieurs banques marocaines et des pays du Golfe se sont positionnées sur ce nouveau créneau. Ainsi, selon Lhassan Benhalima, Directeur de la supervision bancaire, qui intervenait lors d’une rencontre de présentation de l’«Executive Master : principes et pratiques de la finance islamique», spécialisé en finance islamique développé par l’Université Paris-Dauphine en partenariat avec Fidaric Grant Rhornton, «dix-sept demandes d’agrément ont été enregistrées et les demandeurs ont jusqu’au 16 novembre pour déposer leurs demandes. Les agréments seront attribués aux banques ayant les meilleures offres financiers, techniques et ayant une valeur ajoutée», et d’ajouter que «les banques ayant acquis un agrément auront une année pour démarrer leurs activités».
L’engouement des banques marocaines et étrangères s’explique par les perspectives de croissance de cette industrie. Ainsi, selon le cabinet d’audit et de conseil Fidaroc Grant Thornton, se basant sur un rapport de Thomson Reuters, «les actifs financiers islamiques devraient peser entre 5,2 et 8,6 milliards de dollars au Maroc en 2018».
Selon Anouar Hassoune, Directeur général d’Euris Group, Pr HEC-Dauphine et Directeur du programme de l’«Executive Master», alors que les actifs financiers de la finance classique ont évolué en moyenne annuelle de 2% entre 2007 et 2014, ceux de la finance islamique ont progressé annuellement de 17% sur la période pour atteindre 2.000 milliards de dollars. Toutefois, il relativise cette importance en soulignant que les actifs de la finance islamique ne représentent actuellement que 1% des actifs financiers mondiaux et que la finance islamique est encore une finance de banque, sachant que seulement 1% des actifs islamiques est constitué de Takaful (assurance islamique). Concernant les sukuks, malgré l’engouement de nombreux pays, les émissions tournent autour de 130 milliards de dollars par an pour un stock d’environ 550 milliards de dollars.
Bref, «la finance islamique actuelle est marquée par un nombre important de banques mais pas assez de désintermédiation», fait remarquer Hassoune. Autre précision, celui-ci explique que «la finance islamique est une finance contractuelle et on ne doit pas parler de produits islamiques mais de contrats».
Reste que pour rattraper son retard, il faudra également former les ressources humaines. Et c’est à ce titre que l’Université Paris Dauphine, en partenariat avec Fidaroc Grant Thornton, va lancer un «Executive Master Principes et Pratiques de la Finance islamique» à Casablanca. Ce partenariat vise, selon M. Faïçal Mekouar, Président de Fidaroc Grant Thorton, «à apporter les compétences en finance islamique nécessaires au développement de la finance participative au Maroc».