Le Maroc accélère la cadence pour déployer la 5ème génération de réseau mobile à haut débit (5G). Lors d’une séance des questions orales à la Chambre des représentants, tenue le 23 décembre 2024, Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, a déclaré que la 5G sera introduite dès cette année au Maroc, avant la tenue de la CAN 2025.
L’objectif du gouvernement est de passer ensuite à une couverture de 25% de la population à l’horizon 2026, avant d’atteindre un pourcentage de 70% d’ici 2030, via un déploiement total dans les villes qui accueilleront des matchs de la Coupe du monde.
Accélérer l’attribution des licences
Un tel calendrier semble cependant difficile à respecter: l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) n’a pas encore lancé l’appel d’offres pour l’attribution des licences 5G aux opérateurs, qui devront par la suite installer les équipements inhérents à cette technologie.
Difficile, mais possible, estime en substance Abdelouahed Jraifi, expert en télécoms. «L’objectif, bien qu’ambitieux, demeure réalisable, à condition que le régulateur accélère l’attribution des licences en adoptant une approche claire, simplifiée et adaptée aux besoins des opérateurs en matière de fréquences», assure-t-il.
Et d’argumenter: «Les équipementiers et opérateurs, grâce à leur expertise éprouvée dans le déploiement rapide de réseaux à grande échelle, disposent des atouts nécessaires pour relever ce défi. En ciblant en priorité les zones stratégiques, telles que les stades de la CAN et les grandes agglomérations, il serait possible d’assurer une couverture fonctionnelle minimale dès 2025.»
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Pour autant, certains prérequis s’imposent pour atteindre cet objectif, précise notre interlocuteur, qui cite en premier la disponibilité des «ressources spectrales» (les différentes fréquences utilisées pour la transmission du son, des données et de la vidéo). «Ces fréquences constituent un élément clé de l’écosystème des télécoms, comparable au sol pour l’agriculture ou à l’eau pour une ville. Sans elles, il est impossible de développer des infrastructures ou de garantir une connectivité fiable», schématise-t-il.
Généraliser la fibre optique
Ensuite, il faudra généraliser la fibre optique sur l’ensemble du territoire national. «Actuellement en cours, la généralisation de la fibre optique est essentielle pour répondre à la demande croissante en services numériques. Cette tendance, portée par l’essor de la digitalisation et des besoins en connectivité de haute qualité, peut devenir un accélérateur du déploiement de la 5G», soutient Abdelouahed Jraifi.
Explication: la fibre optique est nécessaire pour connecter les «small cells» (les stations de base de la 5G) aux centres de traitement de données. «Elle permet d’atteindre des débits très élevés et des latences très faibles, cruciales pour des applications comme la réalité augmentée (RA), la réalité virtuelle (RV), les véhicules autonomes ou la télémédecine», indique-t-il, précisant que cette technologie, «loin d’être un obstacle, pourrait devenir un atout stratégique en soutenant les réseaux de transport (backhaul) nécessaires pour la 5G».
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Les opérateurs doivent également investir massivement dans de nouvelles infrastructures. «La 5G, en tant que technologie de rupture, repose sur un ensemble de techniques avancées visant à offrir une connectivité plus rapide et plus fiable. Parmi celles-ci, le MIMO (Multiple Input, Multiple Output) et le Massive MIMO, des technologies qui exploitent plusieurs antennes pour envoyer et recevoir des signaux simultanément, qui permettent d’augmenter la capacité et l’efficacité du réseau», détaille l’expert.
L’adoption de l’intelligence artificielle (IA) dans la gestion du réseau participe également à optimiser en temps réel la qualité de service en adaptant les ressources réseau en fonction des fluctuations de la demande. «En combinant ces technologies, la 5G offre une connectivité ultra-rapide et flexible, tout en ouvrant la voie à de nouvelles applications innovantes dans divers secteurs, de l’Internet des objets à la transformation numérique des entreprises», souligne-t-il.
Un grand chantier pour l’ANRT
Dans cet immense chantier, outre l’attribution des licences, l’ANRT jouera un rôle de premier plan dans le réaménagement des fréquences. En effet, la 5G est la première technologie à utiliser les mêmes types de fréquences (basses, moyennes et hautes) que dans des secteurs stratégiques comme la défense, l’aviation, la radiodiffusion ou encore les télécoms.
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Réussir cet équilibre pour le moins complexe, afin que leurs bandes ne soient pas affectées, n’est pas une mince affaire. Le Maroc pourrait s’inspirer de modèles déjà déployés dans plusieurs pays développés pour relever ce challenge. «Aux États-Unis, par exemple, la bande C (3,7-4,2 gigahertz (GHz) a été libérée pour la 5G après une indemnisation des opérateurs satellites, illustrant une gestion proactive des ressources spectrales. En Europe, la bande 700 mégahertz (MHz) a été réattribuée à la 5G après un basculement coordonné des services de télévision terrestre, permettant ainsi de libérer un spectre important tout en assurant la continuité des services existants», détaille Abdelouahed Jraifi.
Le Royaume pourrait également benchmarker le modèle kenyan. Ce pays d’Afrique de l’Est a opté pour le refarming, «une technique qui consiste à réutiliser des fréquences anciennes, comme celles de la 2G, pour les adapter aux nouvelles technologies telles que la 4G et la 5G. Ce réaménagement a facilité le déploiement progressif de ces deux technologies haut débit», poursuit-il.