La présentation du rapport annuel de Bank Al-Maghrib devant le roi est un moment important de la vie économique nationale.
Devant le souverain, Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, se livre généralement à une analyse sans langue de bois de la situation économique du pays. Cette année encore, à l’occasion de la présentation du rapport annuel 2019 de l’institution mercredi 29 juillet, le gouverneur de la banque centrale n’a pas dérogé à la règle.
Revenant sur les réalisations économiques de la décennie qui s’achève, Abdellatif Jouahri a fait un constat amer: «en interne, l’analyse de l’ensemble des données relatives à la décennie fait ressortir que les résultats restent, somme toute, mitigés», a-t-il affirmé.
Des avancées notables ont certes été enregistrées dans plusieurs domaines, tels la lutte contre la pauvreté ou la généralisation de la scolarisation, a-t-il ajouté, «mais les performances ont été globalement insuffisantes pour engendrer une amélioration tangible et à grande échelle des niveaux de vie».
Il est vrai que la croissance n’a pas été au rendez-vous ces dix dernières années. En effet, la progression annuelle moyenne du PIB par habitant s’est limitée à 2,3% sur la décennie contre 3,4% au cours de la précédente. Un niveau de croissance insuffisant au regard des immenses défis sociaux auxquels le Maroc fait face.
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Par conséquent, a déploré le gouverneur de la banque centrale, «le Maroc est resté classé dans la tranche inférieure de la catégorie des pays à revenus intermédiaires, alors que plusieurs ayant été au même niveau ont pu au cours des vingt dernières années se hisser vers des classes supérieures».
C’est ainsi que la rareté des opportunités de travail décent contraint des milliers d’actifs, en particulier les jeunes, à s’orienter vers des emplois informels et précaires.
«Comme le révèle la forte demande pour le soutien financier de l’Etat dans le cadre de l’atténuation de l’impact de la pandémie du Covid-19, ce sont plus de cinq millions de ménages, soit plus de la moitié de la population, qui vivent grâce à des activités informelles et dont une partie importante est exclue du système de protection sociale», a rappelé Abdellatif Jouahri.
Le Wali de Bank Al-Maghrib n'a pas manqué de rappeler que ce sont d’ailleurs de tels constats qui ont amené le souverain à s’interroger à plusieurs reprises sur les raisons de ces contre-performances, et qui l’ont amené à mettre en place la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD).
Ce diagnostic sans concessions sur la situation en interne contraste avec les importantes avancées réalisées sur le plan externe.
Comme le constate le Wali, en dépit d’un environnement international complexe et incertain, le Maroc a réussi grâce à sa stabilité, à son choix de l’ouverture et de diversification des partenariats, notamment avec des pays du Sud et ceux du continent en particulier, ainsi qu’à ses efforts de réformes, à renforcer son positionnement international.
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Le Maroc a pu ainsi intégrer son activité économique dans plusieurs chaînes de valeurs mondiales et se placer sur les cartes de filières aussi exigeantes que l’automobile, l’aéronautique ou encore les énergies renouvelables. Mais surtout, le pays reste aujourd’hui, sur le plan continental, l’un des rares à continuer à pouvoir bénéficier d’une notation souveraine de catégorie «investissement», ce qui le place comme l’un des plus attractifs pour les investissements étrangers.
Toutefois, force est de constater que ces réalisations, aussi remarquables soient-elles, n’ont pas eu les effets d’entraînement attendus. Et les défis qui restent à surmonter sont immenses, d’autant que la crise sanitaire est venue aggraver la situation.
Le monde traverse aujourd’hui une crise d'envergure, aussi bien sanitaire, humanitaire et qu'économique, d’une ampleur exceptionnelle et dont les implications et les retombées restent largement incertaines.
«Grâce à la clairvoyance de Votre Majesté, celle-là même qui a permis en 2011 de surmonter un choc social et politique ayant secoué le monde arabe et dont plusieurs pays sont encore aux prises avec ses conséquences, le Maroc a pu contenir la pandémie et atténuer son impact sur la population et sur l’économie», a souligné Abdellatif Jouahri.
Le nouvel environnement post-crise appelle toutefois à la formulation d’une nouvelle vision de moyen et long termes qui tient compte des mutations et des changements de paradigmes qui s’annoncent déjà sur les plans national et international.
Pour cela, le gouverneur de Bank Al-Maghrib a lancé un appel aux responsables politiques: «au regard de la situation actuelle et à l’approche des échéances électorales de 2021, le moment exige plus que par le passé de placer l’intérêt général du pays au-dessus de toute surenchère politique ou partisane et appelle toutes les forces vives à une mobilisation générale derrière Votre Majesté. L’objectif ultime est de préserver et renforcer les atouts de notre pays pour qu’il puisse émerger de cette crise plus résilient et plus déterminé dans son combat de long terme en faveur d’un développement accéléré, durable et inclusif». A bon entendeur.