Conseil de Bank Al-Maghrib: les explications et analyses de Abdellatif Jouahri

Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib.

Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, est revenu, à l’issue de la réunion du conseil de la banque, tenue mardi 25 juin à Rabat, sur plusieurs sujets d’actualité économique et financière. Voici les principaux points à retenir.

Le 27/06/2024 à 09h44

Lors de la conférence de presse qui a fait suite à la tenue mardi de la deuxième réunion trimestrielle du conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) au titre de l’année 2024, le wali de la banque centrale, Abdellatif Jouahri, a été amené à aborder différentes questions d’actualité économique et financière.

Il s’agit notamment de la montée de l’extrême droite en Europe et son impact sur le Maroc au niveau économique, l’opportunité d’opérer actuellement le passage au taux de change flottant et enfin les nouveaux mécanismes de financement, dits innovants.

Ainsi, interrogé sur la montée de l’extrême droite en Europe et son effet économique sur le Maroc, Abdellatif Jouahri, tout en relativisant sa portée, a tout de même exprimé sa préoccupation quant à son impact sur les MRE et leurs transferts de fonds au Maroc.

Cette inquiétude a pour objet surtout l’interprétation et l’application d’une législation européenne adoptée au lendemain du Brexit qui vise à encadrer la présence et l’activité des banques non européennes sur le sol européen.

Les transferts des MRE à préserver

Le patron de la banque centrale a indiqué que des négociations très étroites sont en cours entre le Maroc et la commission européenne, mais également bilatéralement avec des pays européens, notamment la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, la Hollande. Et ce, avec la participation de toutes les parties prenantes: le ministère des Affaires étrangères, celui de l’Économie et des Finances, BAM, les banques concernées.

«Pour nous, il y a des choses qui ne sont pas très claires sur le plan de la formulation», dans cette législation qui a été élaborée par la direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux (FISMA), relevant de la commission européenne, et adoptée par le parlement européen, note le wali de BAM.

L’autre source d’inquiétude de Abdellatif Jouahri à ce sujet est que l’application de cette réglementation a été confiée aux structures nationales. De ce fait, elle peut être interprétée différemment d’un pays à l’autre. «Les discussions vont se poursuivre quel que soit le gouvernement élu», a-t-il souligné en parlant du cas des négociations avec la France.

Taux de change flottant: les TPME pas prêtes

Interrogé sur l’opportunité d’opérer actuellement le passage au taux de change flottant, le patron de la banque centrale a concédé qu’une bonne partie des conditions sont réunies. «Nous avons pas mal de feux verts», lance-t-il, citant notamment la soutenabilité budgétaire à moyen terme, le niveau des réserves de change, et le système bancaire résilient.

Toutefois, il reste, d’après Abdellatif Jouahri, un prérequis de taille qui l’empêche de franchir le pas. Il s’agit de la préparation des opérateurs à cette nouvelle étape, notamment les TPME.

Le passage au taux de change flottant peut donner lieu à un changement récurrent du taux directeur de la banque centrale et, par conséquent, des taux débiteurs. «Est-ce que les TPME sont en mesure elles-mêmes de s’adapter à cette nouvelle façon de faire, calculer leurs coûts, leurs prix?», s’interroge-t-il, affirmant qu’elles ne le sont pas.

Tout un travail de proximité est toujours en cours pour préparer et accompagner les opérateurs à ce passage, note-t-il, ajoutant que l’on revoit avec l’Office des changes toute la panoplie des couvertures des risques de change. «Tant qu’on n’a pas ça, j’hésiterai à faire le saut», conclut-il.

Les financements innovants à encadrer nécessairement

Lors de sa conférence de presse, le wali de de la banque centrale a été également amené à s’exprimer sur les financements innovants. À cet effet, il a insisté sur la nécessité d’une évaluation rigoureuse et un encadrement adéquat de ces nouveaux mécanismes de financement.

Et ce, pour trois raisons principales, indique-t-il. Premièrement, ces financements commencent à porter sur des montants importants.

Deuxièmement, ils sont inscrits comme des recettes courantes, ce qui ne pose pas de problème en soi, puisque le FMI les considère comme telles. Toutefois, ils seront ensuite inscrits dans les charges courantes, ce qui risque d’impacter l’équilibre budgétaire.

Troisièmement, ces financements innovants porteront préjudice à d’autres formes de financement, notamment les émissions des bons de trésor, surtout ces financements impliquent surtout les institutions d’épargne.

Pour Abdellatif Jouahri «il n’y a pas de raison» de ne pas encadrer les financements innovants au même titre que les privatisations, appelant à clarifier, entre autres, les cas où les repreneurs des actifs de l’État peuvent être propriétaires à la fin du mandat et ceux où ils ne le seront pas.

Par Lahcen Oudoud
Le 27/06/2024 à 09h44