Au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient, le Maroc s’est historiquement distingué par son industrie automobile et textile. Aujourd’hui, c’est vers le ciel que le Royaume tourne ses ambitions, avec un plan bien défini pour (re)conquérir un segment plus lucratif et technologiquement avancé: l’industrie aéronautique.
Pour cela, le Maroc mise sur des alliances avec des géants de l’industrie aéronautique mondiale pour développer ses capacités de production et de service. Intervenant lors de la signature d’un mémorandum d’entente, jeudi 18 avril 2024, entre Royal Air Maroc (RAM) et Safran, Mohammed Abdeljalil, ministre du Transport et de la Logistique, a affirmé que ce secteur «joue un rôle vital, aussi bien en termes de connectivité que de croissance économique, de développement du tourisme, et se révèle un secteur important pour notre pays qui crée beaucoup d’emplois, mais aussi pour le commerce international».
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Reconnaissant cette importance, le Maroc a adopté une politique d’ouverture. Une politique qui, selon Mohammed Abdeljalil, «s’est matérialisée par la conclusion de plusieurs accords aériens, en particulier l’Open Sky avec l’Union européenne». Le Royaume a également investi dans ses infrastructures aéroportuaires en accordant une attention particulière aux aspects liés à la qualité de service et surtout à la sécurité de la navigation aérienne. «Et le résultat du dernier audit qui a été réalisé par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) dans notre pays a permis de témoigner de notre engagement pour nous aligner avec les meilleurs standards internationaux en matière de sécurité», souligne le ministre.
Doubler le nombre de passagers d’ici 2035
Ces efforts ont mené à des améliorations significatives dans le secteur, avec une fréquentation de 27 millions de passagers en 2023, et une projection de plus de 30 millions pour cette année. «Ce développement, en réalité, est en lui-même un catalyseur pour le développement de notre écosystème aéronautique. Nous devrons veiller à continuer à promouvoir le développement de nos ressources humaines et de leur expertise dans ce domaine», a relevé le ministre.
Avec les progrès déjà réalisés, le Maroc nourrit des ambitions plus grandes pour le transport aérien, envisageant de doubler le nombre de passagers à 60 millions d’ici 2035: «Forts des progrès que nous avons déjà réalisés, nous nourrissons des ambitions plus grandes et nous entendons, en tant que gouvernement, renforcer le rôle du transport aérien en tant que levier de développement économique et social du Royaume. À cet effet, nous continuerons à poursuivre notre politique de libéralisation du marché des services de transport aérien et à augmenter les capacités de nos aéroports et leur sécurité. Mais, nous accompagnerons également la Royal Air Maroc dans son grand plan de transformation pour devenir un véritable connecteur mondial autour du hub de l’aéroport Casablanca Mohammed V. Nous sommes engagés à accélérer l’ensemble des chantiers également dans la perspective d’organisation de la Coupe du monde 2030.»
Drainer plus d’investissements
D’après le ministre, le Maroc est déterminé à saisir les opportunités de croissance du secteur en promouvant l’innovation, la durabilité et la coopération internationale: «Le gouvernement continuera à soutenir pleinement le développement du transport aérien au Maroc, en garantissant un environnement favorable à l’investissement et à l’innovation. Et dans ce sens, nous engagerons une collaboration étroite et régulière avec les différents acteurs de l’écosystème aéronautique pour une meilleure convergence de nos actions. Enfin, le plan de développement de Royal Air Maroc, bien entendu, viendra renforcer cette dynamique que connaît le secteur et constitue à notre sens une réelle opportunité pour l’investissement.»
Et le transporteur national a tout son rôle à jouer dans cette dynamique, comme l’a signalé, jeudi 18 avril, Hamid Addou, PDG de Royal Air Maroc: «Royal Air Maroc est fière de contribuer, aux côtés de Safran, au développement de l’industrie aéronautique au Maroc et à positionner davantage le Maroc dans l’industrie aéronautique mondiale.»
(Crédit: Khalil Essalak)
Pour le PDG de RAM, la montée en puissance de Safran Aircraft Engine Services Morocco (SAESM), société commune entre Safran Aircraft Engines et Royal Air Maroc, actée par un MoU signé jeudi, est «un signe très positif pour tous les acteurs de l’aérien. C’est aussi une fierté pour nous, puisque nous étions le catalyseur de ce partenariat et aussi de cette industrie aéronautique».
Hamid Addou estime, par ailleurs, que «l’industrie aéronautique va très vite dépasser l’automobile au vu de ses potentialités». «Depuis plus de six décennies, dès la création de RAM en 1957, le groupe a joué un rôle pionnier et leader au sein de l’écosystème aérien global. C’est un catalyseur du développement de ces industries de pointe. Nous avons, au fil du temps, réalisé des partenariats stratégiques qui ont permis la montée en puissance, aussi bien du capital humain national à travers différents instituts, que ce soit l’IMA (Institut des métiers de l’aéronautique), ou l’ISMALA (Institut spécialisé des métiers de l’aéronautique et la logistique aéroportuaire), mais aussi l’accroissement de la création de richesse sur notre territoire tout au long de la chaîne de valeur de ce secteur», a-t-il relevé.
D’après le PDG de RAM, le transporteur national renforce son rôle de catalyseur sectoriel en embrassant un nouveau défi: «En juillet dernier, nous avons signé un contrat-programme avec l’État pour continuer la transformation de RAM et en faire un acteur global de l’industrie aérienne civile, en traçant la route des ambitions de notre compagnie pour les quatorze prochaines années, conformément aux orientations royales. L’objectif est de déployer un nouveau business model en tant que transporteur global au profit de notre pays et de toutes les stratégies sectorielles de notre pays.»
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Ce plan est axé sur un quadruplement de la flotte. «Nous ambitionnons de passer de 50 à 200 avions dans les prochaines années et, par conséquent, de transporter 35 millions de passagers par an (...) Les ambitions portées par RAM et par l’écosystème aéronautique national ne font, pour nous, qu’un seul corps et font partie de notre ADN en tant que compagnie aérienne», insiste Hamid Addou.
Il faut saisir ce momentum
Selon Hamid Addou, les carnets de commandes des constructeurs et des motoristes n’ont jamais été aussi bien fournis: «C’est un moment favorable pour notre pays et une fenêtre d’opportunité à saisir en termes d’investissement dans cette industrie. Ces investissements doivent s’inscrire dans une vision gagnant-gagnant, comme cela a été le cas au cours des 25 dernières années, et j’aspire à ce que cela continue ainsi pour les 25 prochaines années.»
L’objectif est donc clair: il s’agit non seulement d’augmenter la capacité de production du Maroc, mais aussi de s’assurer que le Royaume devienne un centre de compétence en matière de recherche et développement dans le domaine aéronautique. Cependant, les défis demeurent. Malgré les progrès, le Maroc doit encore renforcer sa chaîne d’approvisionnement locale et augmenter le taux d’intégration de ses industries. Le contexte économique global, marqué par la volatilité des marchés et les tensions commerciales, pourrait également impacter les ambitions du pays.