Première nation africaine à atteindre les demi-finales d’une Coupe du monde et tout récent champion du monde des moins de 20 ans, le Maroc s’affirme comme un acteur majeur du football mondial. Le royaume accueillera, à la fin de 2025, la Coupe d’Afrique des nations (CAN) et coorganisera, en 2030, la Coupe du monde avec le Portugal et l’Espagne, consolidant sa stratégie de soft power sportif. Outre ces événements, le Maroc poursuit le développement du football féminin et offre des structures de formation et d’entraînement à de nombreuses fédérations africaines.
Dans un entretien au magazine Jeune Afrique, le sociologue Jean-Baptiste Guégan, spécialiste de la géopolitique du sport, explique que le Maroc mène une stratégie indéniablement gagnante, mais l’organisation de la CAN sera étroitement surveillée comme une répétition générale avant 2030. «Cela positionne le Maroc comme l’hôte des deux plus grands événements continentaux du football, en Afrique, et au-delà. Le royaume est devenu une place forte pour l’organisation d’événements de stature internationale», explique-t-il, soulignant que cette stratégie est étayée par la réussite des sélections et des clubs marocains, ainsi que par l’importance du Royaume au sein de la Confédération africaine de football.
Guégan souligne également le rôle clé de Fouzi Lekjaâ, président de la Fédération royale marocaine de football et ministre délégué au Budget, devenu vice-président de la CAF et membre du Conseil de la Fifa. «La figure de Fouzi Lekjaâ est incontournable», précise-t-il.
Le Maroc a entrepris une politique de diplomatie sportive ambitieuse, portée par le roi Mohammed VI. «Elle repose entièrement sur l’ambition volontariste du roi. Initialement, cela pouvait sembler risqué, compte tenu des expériences infructueuses antérieures dans d’autres pays africains ou ailleurs. L’alliance de toutes les forces vives du pays accroît l’efficacité de la stratégie royale et participe de sa réussite», ajoute le sociologue. «En une décennie, le Royaume s’est imposé comme la première puissance africaine du football, avec des installations parmi les plus avancées du continent», souligne Jeune Afrique.
Pour la CAN 2025, le principal enjeu sera organisationnel. «Le succès de la CAN passe par la réussite de l’accueil des équipes, des touristes, des sponsors, des partenaires, des institutionnels et des médias. La CAN est considérée comme une répétition grandeur nature de la Coupe du monde 2030», note Guégan.
Sur le plan économique, une CAN réussie devrait générer près de 1,5 milliard de dirhams supplémentaires en recettes touristiques, sans compter l’impact sur l’image du royaume et la mise en valeur des infrastructures. «Elle permettra de mettre en valeur les efforts faits en matière d’aménagement du territoire, d’amélioration des infrastructures de transport et touristiques. L’ambition de faire du football un moteur de développement sera aussi mesurée», explique Guégan.
La Coupe du monde 2030 représente un défi encore plus ambitieux, avec des standards Fifa élevés et des investissements estimés à cinq milliards de dollars pour la part marocaine. Le gouvernement a décrit cette coorganisation comme un «accélérateur de transformation stratégique» pour le pays. Guégan souligne toutefois les tensions sociales soulevées par ces événements: «l’ampleur de la mobilisation a mis la pression sur l’exécutif. Les victoires en football ne remplissent pas les ventres. La question se pose face aux chiffres du chômage des jeunes et à leurs perspectives de carrière». Selon lui, la réussite de la CAN dépendra autant de son organisation que de sa capacité à rassembler la jeunesse et à renforcer le nation branding marocain.
Enfin, le Maroc n’est pas isolé dans sa stratégie. D’autres pays africains investissent dans la diplomatie sportive, du Rwanda au Sénégal, en passant par la Côte d’Ivoire, la RDC ou l’Afrique du Sud. «Le sport permet une exposition médiatique à moindre coût, inscrit le pays dans l’agenda international, et surtout, il donne l’occasion de développer de grands projets d’infrastructures et d’aménagement», observe Guégan. Mais cette omniprésence suscite également des jalousies, notamment chez l’Algérie, et expose le Maroc à des risques de tentatives de déstabilisation. «C’est l’effet boomerang : plus la stratégie est forte, plus le risque de retour de bâton et d’hostilité est grand», conclut-il.









