Cabinets de conseil: un mal nécessaire?

Le Maroc est devenu un point clé pour les cabinets de conseil, tant internationaux que nationaux, qui participent activement à l’élaboration des principales politiques publiques.. DR

Revue de presseLe Maroc est devenu un terrain stratégique pour les cabinets de conseil internationaux et locaux, qui interviennent au cœur des grandes politiques publiques. Tandis que la France réduit sa dépendance à ces experts pour internaliser les compétences, le Royaume continue de s’appuyer sur ces acteurs pour guider ses réformes et accélérer sa transition digitale. Cette situation soulève la question de l’équilibre entre expertise externe et savoir-faire local. Une revue de presse tirée du magazine Challenge.

Le 19/10/2025 à 19h15

À deux heures de la France, le Maroc est devenu un véritable hub pour les grands cabinets de conseil internationaux et locaux. McKinsey, BCG, Roland Berger, Bain, PwC, mais aussi des structures marocaines comme Southbridge A&I, Mazars, Capital Consulting ou Valyans, ont investi Casablanca Finance City et s’immiscent de plus en plus dans les réflexions stratégiques publiques. «Plan Maroc Vert, Plan Émergence, Vision 2020 pour le tourisme ou Maroc Digital 2030: ces cabinets ont laissé leur empreinte sur les grands programmes nationaux», relève le magazine hebdomadaire Challenge.

En France, la création d’une agence de conseil gouvernementale a permis de réduire drastiquement les dépenses en consulting, passant de 271 millions à 71 millions d’euros en quelques années. L’État a choisi de ne plus externaliser les réflexions stratégiques et d’internaliser les compétences pour renforcer ses propres équipes. Les rapports produits par les Big Four y ont souvent été critiqués pour leur complexité excessive et leur contenu redondant, malgré les dizaines de millions d’euros investis.

«Cette approche soulève une question centrale pour le Maroc», estime Challenge. Pourquoi recourir systématiquement aux consultants internationaux alors que des élites locales sont capables de produire des analyses approfondies tout en réduisant la dépense publique? Le recours aux cabinets de conseil est devenu un réflexe pour l’administration marocaine. Leur expertise technique et leur capacité à produire rapidement des rapports volumineux sont valorisées, même lorsque les compétences existent en interne. Selon l’économiste Ahmed Azirar, «cette pratique peut créer une dépendance et une mauvaise allocation des ressources publiques».

Cité par Challenge, Mehdi Lahlou, économiste, rappelle que «ces cabinets connaissent rarement les réalités profondes de l’économie marocaine et que leur intervention peut éclipser le savoir-faire des hauts fonctionnaires nationaux».

Pour certains acteurs du secteur, le recours aux consultants reste pertinent. L’administration marocaine bénéficie encore de l’expertise externe, notamment pour des missions complexes nécessitant des profils spécialisés capables de naviguer entre volonté politique, stratégie et réglementation. Depuis la pandémie de Covid-19, l’État a toutefois réduit son recours à ces cabinets, un mouvement qui mériterait d’être évalué tant sur le plan financier que qualitatif, en mesurant l’impact sur la mise en œuvre des politiques publiques.

Au-delà du conseil stratégique, les Big Four renforcent leur implantation au Maroc dans des secteurs clés. Après Deloitte et son Cyber Academy, PwC a ouvert un centre de cybersécurité à Casablanca, confirmant la montée en puissance du pays comme hub régional. Ces investissements visent à capter le potentiel africain tout en consolidant le rôle stratégique du Maroc dans la transition digitale et la souveraineté numérique du continent.

Le Maroc se trouve ainsi à la croisée des chemins, s’inspirant de l’expérience française pour rationaliser les dépenses en conseil, tout en continuant à tirer parti des compétences et de l’expertise apportées par les cabinets internationaux et locaux.

Par La Rédaction
Le 19/10/2025 à 19h15