Blocage de la réforme des taxes locales: Nadia Fettah réunit en urgence les trésoriers régionaux

Nadia Fettah, ministre de l’Économie et des finances, et Fouzi Lekjaâ, ministre délégué chargé du Budget.

La crise couvait depuis plusieurs jours dans les perceptions relevant encore de la Trésorerie générale du Royaume (TGR). Elle a fini par éclater au grand jour, sur fond de dénonciations de pratiques jugées «brutales» et d’un bras de fer institutionnel latent entre les ministères de l’Intérieur et de l’Économie et des Finances. C’est dans ce contexte explosif que la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, a réuni en urgence, jeudi 25 décembre en début de soirée, les huit trésoriers régionaux, en présence du ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaâ. Le360 détient une copie du procès-verbal de cette réunion, qui éclaire les décisions prises pour tenter de désamorcer la crise.

Le 26/12/2025 à 13h25

Cette rencontre intervient alors que les deux principaux syndicats du secteur, le Syndicat national des finances (SNF-CDT) et le Syndicat national démocratique des finances (SNDF-UMT) ont multiplié les communiqués au ton particulièrement virulent, dénonçant des «pratiques humiliantes», «autoritaires» et «illégales» dans la mise en œuvre de la loi n°14-25 relative au recouvrement des taxes locales.

Selon le procès verbal, dans son intervention liminaire, la ministre a tenu à rappeler que la loi 14-25 est bel et bien entrée en vigueur et qu’elle est désormais d’application obligatoire. Elle a souligné que son déploiement s’est effectué de manière fluide avec la Direction générale des impôts, tout en reconnaissant de «réelles difficultés» concernant le transfert des bâtiments et des compétences entre la TGR et les services du ministère de l’Intérieur, notamment la Direction générale des collectivités territoriales.

Les chiffres présentés lors de la réunion illustrent l’ampleur du retard accusé. À la date du mardi 23 décembre 2025, seules huit bâtisses ont été officiellement remises sur un total de 92 prévues dans le cadre de la première phase de la réforme. Six autorisations liées au système d’information ont été délivrées, tandis qu’aucune opération formelle de transfert de missions n’a encore été réalisée.

Un décalage qui fait écho aux critiques formulées par les syndicats, lesquels dénoncent une mise en œuvre «désordonnée» de la réforme sur le terrain. Dans son communiqué, la CDT a notamment pointé ce qui s’est produit à la perception de Rabat-Mabella, où des fonctionnaires auraient été sommés de quitter les lieux, avant que les serrures ne soient changées et que l’enseigne de la TGR ne soit remplacée par celle d’une perception communale, sans procès-verbal de passation de service. Des situations similaires ont été signalées à Assilah, M’diq, Beau Site à Casablanca et Berrechid, selon l’UMT.

Consciente des risques que fait peser cette situation sur la continuité du service public et sur les recettes de l’État, la ministre a assuré, selon le procès-verbal, que les walis et gouverneurs «apportent et continueront d’apporter tout le soutien nécessaire» pour que la réforme se déroule dans de bonnes conditions. Elle a appelé les trésoriers régionaux à accélérer le rythme de travail avant la fin du mois de décembre, afin de rattraper le retard enregistré et d’éviter toute prescription des recettes fiscales, ainsi que les responsabilités qui pourraient en découler.

La question sensible des ressources humaines a occupé une place centrale dans les échanges. Il a été acté que les fonctionnaires relevant du ministère de l’Économie et des Finances, et plus particulièrement de la TGR, resteront dans leurs perceptions actuelles pour une durée maximale de six mois, en attendant un accord sur l’utilisation commune des bâtiments. En cas d’impossibilité, le ministère s’engage à trouver des solutions alternatives pour ses agents. Le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, a tenu à rappeler qu’il s’agit de fonctionnaires de l’État, indépendamment du ministère auquel ils sont rattachés.

Sur ce volet, Nadia Fettah a réaffirmé deux principes qu’elle a qualifiés de «fondamentaux»: la préservation intégrale des droits acquis et le strict respect du volontariat et de la liberté de choix. Aucun fonctionnaire ne devra être contraint de quitter son poste ou, à l’inverse, d’y demeurer. Des engagements qui rejoignent, sur le papier, les revendications exprimées par la CDT et l’UMT, lesquelles reprochent précisément à l’administration le non-respect de ces garanties sur le terrain.

La ministre a par ailleurs salué les efforts déployés par les trésoriers régionaux en matière de formation des ressources humaines relevant des collectivités territoriales. Des sessions ont déjà été organisées et d’autres sont en cours, conformément à un programme arrêté en coordination avec les services du ministère de l’Intérieur. Elle les a appelés à poursuivre ces actions sans relâche.

En conclusion, Nadia Fettah a remercié les trésoriers régionaux pour leur engagement dans la mise en œuvre de la loi 14-25, tout en leur demandant d’exécuter ses instructions «avec rigueur et célérité», afin d’éviter toute responsabilité liée à la perte de recettes fiscales par prescription.

Reste que, malgré cette tentative de reprise en main, la tension demeure vive. L’UMT a déjà annoncé l’organisation imminente d’un sit-in devant le siège de la Trésorerie générale du Royaume à Rabat, tandis que la CDT appelle à une intervention urgente de la ministre pour mettre fin à ce qu’elle qualifie de dérives graves. Autant de signaux qui laissent présager une poursuite de la mobilisation syndicale si les pratiques dénoncées ne sont pas rapidement corrigées et si la coordination entre l’Intérieur et les Finances ne se traduit pas, enfin, par des actes concrets sur le terrain.

Par Wadie El Mouden
Le 26/12/2025 à 13h25