Béni Mellal-Khénifra face à la crise hydrique: un constat préoccupant et des solutions à envisager

Béni Mellal-Khénifra, qui produisait jusqu’à 150 000 tonnes de sucre – soit 30 % de la production nationale – ne parvient aujourd’hui qu’à produire 30.000 tonnes.

Béni Mellal-Khénifra, qui produisait jusqu’à 150 000 tonnes de sucre – soit 30 % de la production nationale – ne parvient aujourd’hui qu’à produire 30.000 tonnes.

Alors que le Maroc traverse sa septième année consécutive de sécheresse, la région de Béni Mellal-Khénifra est particulièrement touchée, mettant en péril ses principales filières agricoles. Cette situation met en danger l’économie régionale et nécessite des mesures urgentes.

Le 06/02/2025 à 10h31

Reconnue pour la diversité de sa production, la région de Béni Mellal-Khénifra joue un rôle central dans l’agriculture marocaine. En année normale, elle contribue à hauteur de 30% des semences de céréales destinées à la multiplication, 20% des agrumes, 15% des olives, 13% des viandes rouges et plus de 12% du lait.

Cependant, la sécheresse persistante a entraîné une chute importante des rendements. Les précipitations enregistrées pour la saison 2023-2024 n’ont atteint que 27 millimètres à fin novembre, contre 46 mm lors de la campagne précédente, soit une diminution de 41%. Cette situation a eu un impact direct sur l’irrigation et sur les réserves en eau des barrages. Le barrage Bin El Ouidane, principal réservoir d’eau de la région, affichait en janvier 2024 un taux de remplissage alarmant de seulement 5,2%, avec 63 millions de mètres cubes, contre 11,4% à la même période l’année précédente.

«Nous sommes en train d’épuiser nos ressources sans solution viable à long terme. Si la situation perdure, nous risquons non seulement de voir disparaître des cultures essentielles, mais aussi de perdre une main-d’œuvre agricole précieuse qui, faute de perspectives, quitte déjà les campagnes», s’inquiète Hassan Mounir, directeur général de COSUMAR. Implantée à Oulad Ayyad, la sucrerie du groupe fait face aux mêmes difficultés que l’ensemble du secteur agricole.

La filière sucrière, un exemple des difficultés régionales

Si toutes les cultures sont affectées, certaines filières stratégiques, comme le sucre, illustrent particulièrement l’ampleur du problème. Béni Mellal-Khénifra, qui produisait jusqu’à 150.000 tonnes de sucre par an – soit 30% de la production nationale – ne parvient aujourd’hui qu’à produire 30.000 tonnes, malgré les efforts des agriculteurs et des autorités locales. «La région a toujours eu un immense potentiel, mais sans accès sécurisé à l’eau, il devient impossible de le valoriser. Nous avons la main-d’œuvre, l’expérience et les infrastructures, mais sans eau, tout cela est inutilisable», prévient Hassan Mounir.

La présence de la sucrerie d’Oulad Ayad, qui équivaut à un investissement de plus de 4 milliards de dirhams, a permis la création d’un écosystème agricole dynamique, avec l’émergence de plus de 60 entreprises spécialisées dans les services agricoles. Aujourd’hui, cet écosystème est directement menacé. «Protéger ces investissements, c’est protéger l’ensemble du secteur agricole régional. Mais il ne suffit plus de gérer la crise année après année, il faut une solution alternative durable», poursuit Hassan Mounir.

Le dessalement: une solution soutenue par le conseil de la région

Face à cette urgence, Hassan Mounir plaide pour une solution structurelle: le dessalement de l’eau de mer. Bien que la façade atlantique soit située à 200 kilomètres de Béni Mellal-Khénifra, les moyens techniques actuels permettent un transfert d’eau sur de longues distances. «La distance ne doit pas être un frein, mais une contrainte technique à surmonter», insiste Hassan Mounir.

Désormais, ce projet bénéficie d’un appui institutionnel de premier plan. À l’issue de la session extraordinaire tenue fin janvier 2024, le Conseil de la région de Béni Mellal-Khénifra a exprimé son soutien à l’installation d’une station de dessalement avec la possibilité de contribuer à hauteur d’un milliard de dirhams, dans l’investissement global, pour répondre à la crise hydrique qui frappe durement la région. «Une station de dessalement ne serait pas qu’une réponse immédiate à la crise hydrique. Elle représenterait une avancée stratégique pour la région, assurant la pérennité de l’agriculture et stimulant l’investissement agro-industriel. Ce projet ne concerne pas seulement l’eau, il s’agit d’un levier de développement pour tout le territoire», ajoute Hassan Mounir.

Avec le soutien du conseil régional, la mise en œuvre de ce projet nécessitera un engagement des autorités locales et du secteur privé. «Ce que nous vivons aujourd’hui était prévisible, et selon les experts, cela pourrait empirer. Nous devons réagir tant qu’il est encore temps», conclut Hassan Mounir.

Par Majda Benthami
Le 06/02/2025 à 10h31

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

0/800