Autoroutes du Maroc: le recours au privé est-il inévitable?

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Comme rapporté par le360, l’État veut impliquer dans la réalisation et l'exploitation des nouvelles autoroutes programmées. Certains craignent déjà cette "privatisation" des infrastructures stratégiques comme les autoroutes. mais le Maroc a-t-il vraiment le choix? Décryptage...

Le 29/03/2016 à 13h31

Ce n’est un secret pour personne : la réalisation d’une autoroute coûte chère, très chère ! A titre d’illustration, pour la réalisation de près de 1510 km d’autoroutes prévus dans les derniers contrats programmes entre Autoroutes du Maroc et l’Etat, il a fallu investir plus de 45 milliards de DH.

Pour les financer, l’Etat marocain a conjugué entre des injections dans le capital d’Autoroutes du Maroc (plus de 13 milliards de DH) et des emprunts contractés par cette dernière et garantis par l’Etat. Ces emprunts ont dépassé les 40 milliards de DH.

Aujourd’hui, la situation d’ADM est on ne peut plus critique. La société doit faire face à des remboursements qui alourdissent considérablement ses comptes. Rien que les intérêts de sa dette dépassent 1,5 milliard de DH chaque année. Cette situation fait en sorte que ADM ne peut espérer un retour à l’équilibre de ses comptes qu’à l’horizon 2030. Et encore, ceci s’il n’y a pas d’autres investissements lourds à mener et les nouvelles dettes qui en découleraient.

D’ici là, l’Etat est engagé à prendre en charge le déficit pour permettre à la société de tenir ses engagements vis à vis des bailleurs de fonds.

Face à cette situation, et dans le cadre des derniers axes autoroutiers développés, les pouvoirs publics ont dû faire des arbitrages pour prioriser certains au détriment d’autres. Si cette situation a permis d’avoir l’un des réseaux les plus modernes du continent, il n’en demeure pas moins qu’elle a empêché le royaume de répondre à tous ces besoins en infrastructures routière et autoroutière.

De l’avis même des services du ministère de l’Equipement et des transports, le réseau routier national, d’une manière générale, souffre encore aujourd’hui de fragilités et de discontinuité. Réseau non interconnecté ; des autoroutes couvrant certaines régions et absente dans d’autres tout aussi stratégiques (le sud par exemple) ; des infrastructures ne répondant pas forcément aux besoins grandissant du trafic…

Ces lacunes sont directement imputables aux arbitrages induits par les contraintes budgétaires. Si le Maroc veut aujourd’hui recourir au partenariat public privé pour la réalisation des futures autoroutes, c’est donc clairement pour une question d’argent.

Il reste maintenant à définir le cadre général de ce partenariat. Faut-il avoir un seul partenaire pour la réalisation et l’exploitation de toutes les nouvelles autoroutes ? Ou bien faut-il se rapprocher de plusieurs entreprises privées à la fois ? La rentabilité pour celles-ci est-elle assurée, alors qu’Autoroutes du Maroc peine à sortir d’une situation déficitaire ? Faudra-t-il prévoir des mécanismes de subventions au profit des opérateurs pour leur permettre de rentabiliser leurs investissements ? Est-il opportun d'établir une nette séparation entre le volet lié aux investissements et celui relatif à l'exploitation des autoroutes ?

Autant de question qui restent posées et que des études, dont le démarrage est prévu en principe au mois de mai prochain, devront traiter.

En attendant, l’Etat, en marge de la préparation d’un nouveau contrat programme avec ADM, se penchera également sur la restructuration financière de la société. Il s'agit en définitive de définir de manière concrète le rôle futur de l'ADM et, surtout, ses engagements dans le cadre de la poursuite du développement du réseau autoroutier marocain.

Par Younès Tantaoui
Le 29/03/2016 à 13h31