Dans le petit village de Beni Arouss, niché dans la province de Larache, des presses traditionnelles fonctionnant à l’aide de la célèbre meule en pierre, la R’ha, perpétuent un savoir-faire séculaire. Ces moulins, transmis de génération en génération, produisent toujours une huile d’olive au goût unique, prisée par les habitants locaux pour son authenticité.
«L’huile issue de la technique de rahia est différente de celle produite par les presses modernes. Elle a une saveur particulière, que les gens d’ici apprécient par-dessus tout», explique Ahmed, agriculteur de cette région où subsistent encore six moulins traditionnels.
Le processus artisanal débute par le broyage des olives sous la R’ha, un disque de pierre monté sur un axe et actionnée par une bête de trait dont les yeux sont bandés, afin d’éviter qu’elle ne s’étourdisse. Les olives broyées sont ensuite transportées vers deux fosses-réservoirs creusées à proximité du moulin et appelés «Akadar».
Dans le premier réservoir, l’eau douce se déversant des montagnes de Bouhachem est mélangée aux fruits écrasés. Les femmes de la région, avec une patience infinie, extraient l’huile à l’aide d’un linge blanc. Ce travail ardu, qui peut durer une journée entière pour traiter deux quintaux d’olives. L’huile obtenue, appelée «kharij», est reconnue pour sa densité et sa saveur exceptionnelle. Quant aux résidus, appelés «Almarj», ils sont évacués vers le second réservoir.
Sécheresse persistante, récolte insuffisante
Pourtant, cette tradition est mise à mal par les bouleversements climatiques et économiques. La sécheresse persistante a considérablement réduit les récoltes, acculant nombre de moulins à l’arrêt d’activité.«Aujourd’hui, les récoltes ne suffisent plus, et de nombreux moulins sont désormais à l’abandon», regrette Mohamed, propriétaire d’un moulin artisanal.
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Le coût élevé d’une presse traditionnelle, allant de 6.000 à 8.000 dirhams, pousse de nombreux agriculteurs à adopter des solutions modernes, certes moins coûteuses, mais éloignées de l’authenticité de la meule classique. Témoins d’un passé en sursis, les pierres de R’ha, autrefois l’âme de la production locale, gisent aujourd’hui, dispersées dans les champs.
Mais contre vents et marées, certains habitants de Beni Arouss s’accrochent à cette tradition. «Même avec la baisse de production, il est inconcevable pour nous de ne pas produire de l’huile d’olive de R’ha chaque saison», affirme l’oléiculteur, fier de perpétuer cet héritage, véritable patrimoine culturel de Beni Arouss.