Tahar Ben Jelloun est en colère. L’écrivain dénonce le non-respect des droits d’auteur par une compagnie de théâtre marocaine. «À ma grande stupéfaction, j’apprends en lisant un article dans un magazine qu’une actrice marocaine a remporté un prix aux Journées théâtrales de Carthage pour son interprétation dans Solo, pièce adaptée de mon roman La nuit sacrée. Or, je ne suis pas au courant! Je dénonce cette attitude irrespectueuse et non professionnelle», explique l’auteur à le360.
Cette pièce, qui adapte le roman ayant valu à Tahar Ben Jelloun le prix Goncourt en 1987, a été montée par le couple Mohamed Elhor et Hajar Hamidi de la troupe Akoun et interprétée par Amale Ben Haddou et Said Harassi.
Contacté par le360, le metteur en scène Mohamed Elhor répond: «Le mécontentement de Tahar Ben Jelloun est tout à fait légitime. Mais nous tenons à préciser que nous avons cherché à le joindre et nous avons cherché ses coordonnées à travers des amis, mais en vain. C’est pourquoi nous avons choisi de travailler à partir de la traduction en arabe de son roman réalisée par Mohamed Chergui et revue et corrigée par le poète et éditeur Mohammed Bennis». Et de poursuivre: «selon nos modestes connaissances en la matière, un éditeur qui publie une traduction acquiert en principe les droits de reproduction et donc nous pensions qu’on pouvait lancer l’adaptation au théâtre sans être inquiétés». Un argument qui peut laisser sans voix! Même traduit, un livre ne dépossède pas son auteur de ses droits.
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Le metteur en scène Mohamed Elhor (à droite)
Amal Ben Haddou, la comédienne qui a reçu pour cette pièce le prix d’interprétation féminine, lors de la 19e édition des Journées théâtrales de Carthage qui se sont déroulées du 8 au 16 décembre, avoue ne pas s’être mêlée de cette histoire de droits pour l’adaptation de La nuit sacrée. «Personnellement je n’ai pas cherché à savoir. Je pensais que les auteurs de la pièce et le metteur en scène étaient entrés en contact avec l’écrivain».
Aujourd’hui, la troupe Akoun souhaite rectifier le tir, avec beaucoup de retard, puisque la pièce a déjà participé à plusieurs festivals, et a même été récompensée à Tétouan au Festival national du théâtre en remportant le Grand Prix. «Nous souhaitons entrer en contact avec Tahar Ben Jelloun pour lui expliquer la situation, tout en lui présentant des excuses», souligne Mohamed Elhor en précisant que sa compagnie est une petite troupe créée en 2013 et qui possède des moyens dérisoires.
Pour Tahar Ben Jelloun, l’excuse des coordonnées introuvables n’est pas convaincante. «Ce n’est pas vrai. Je suis joignable. Ils auraient pu appeler Gallimard mon éditeur, c’est plus simple et on aurait pu communiquer». L’écrivain ajoute que si le metteur en scène l’avait contacté et lui avait parlé de son manque de moyens, il aurait pu l’autoriser gracieusement à adapter son roman sans payer de droits. Il ajoute qu’il le fait très souvent avec des petites troupes.
C’est le mépris pour les auteurs qui indigne Tahar Ben Jelloun. «Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive. Une autre troupe a déjà produit Moha le fou, Moha le sage sur les planches sans m’en informer, sans me demander l’autorisation. Il faut que cela cesse!», déclare l’écrivain dépité.